Se forger sa propre expérience, plutôt que d’écouter les sages, c’est l’apanage de la jeunesse. Les recettes des « anciens » , pour ne pas dire des « vieux » , ne seraient plus de nature à régler les problèmes du moment. Pour les recettes, assurément. Néanmoins, l’expérience acquise par les anciens permet d’en tirer des leçons, que beaucoup d’érudits ont résumées dans des citations célèbres. Ces leçons sont rarement écoutées par un jeune sans expérience, parce qu’elles ne résonnent pas, elles ne font pas échos avec ce qu’il connait. Le cerveau est ainsi fait. Pour comprendre une notion, le cerveau doit pouvoir s’en saisir. C’est ce que j’ai décrit dans un article précédent « l’empan du cerveau » comme l’empan de la main, la distance entre le pouce et l’auriculaire qui permet de saisir un objet. Contrairement à la main, dont l’empan ne varie pas lorsqu’on est adulte, l’empan du cerveau, lui, augmente au gré de l’expérience acquise. On peut donc saisir des sujets de plus en plus complexes. C’est lorsque l’expérience est suffisante que l’on comprend le sens de la citation issue d’une leçon de la vie. C’est aussi là qu’on prend conscience qu’elle nous aurait été bien utile, pour éviter les écueils qu’on a vécus ! Et ce phénomène se reproduit de génération en génération. Ce constat m’est apparu en pleine lumière lorsque j’ai lu une citation de Confucius. Alors comment faire pour que l’expérience des « anciens » , des « sages » devrais-je dire, soit efficacement utile aux jeunes. C’est tout l’intérêt de la connaissance du mécanisme de transfert du savoir-faire notamment dans les entreprises pour garantir leurs résultats quel que soit le turn over. C’est aussi le cas, de manière générale, pour l’espèce humaine, pour éviter de refaire les mêmes erreurs. C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.
Confucius, qui a vécu 500 ans avant JC, disait « Tous les hommes pensent que le bonheur se trouve au sommet de la montagne. Alors qu’il réside dans la façon de la gravir. »
Pour bien comprendre la portée de cette citation, il faut avoir atteint un objectif important pour soi qu’on croyait inatteignable ou que son atteinte eu été difficile et longue, presque inattendue. Pourquoi ? Le plaisir d’avoir atteint son objectif est toujours de courte durée. La durée du plaisir est temporellement infime à comparer au temps qu’on a mis pour atteindre son objectif. La joie exprimée, le plaisir intense passé, il s’installe un vide abyssal. Il faut sans doute l’avoir vécu pour comprendre… Puisqu’on a passé des heures, des jours, des mois, des années à agir, parfois pour rien, en se remettant inlassablement en marche. Et lorsque l’objectif est atteint, on se sent comme désoeuvré, inactif, pire … sans avenir. Et c’est là qu’on prend conscience que le bonheur est dans la manière d’atteindre son objectif et non lorsqu’il est atteint, comme le disait si bien Confucius. Lorsqu’on se trouve dans cet état d’esprit, on cherche vite un autre objectif, tout aussi important « à se mettre sous la dent » pour … retrouver le bonheur d’être en action. En fait, pour retrouver le sens de la construction de son avenir.
Cette citation fût le déclencheur de ma réflexion initiale, « se forger sa propre expérience, plutôt que d’écouter les sages, c’est l’apanage de la jeunesse. » Les citations de nos ancêtres, et celle-ci est vieille de 2500 ans tout de même, ne résonnent pleinement à soi qu’à partir du moment où on a été confronté à la vie et aux épreuves. Autrement dit, lorsqu’on est jeune, sans longue expérience donc, on a du mal à saisir la portée de ce type de citation. Alors qu’elle nous aurait été utile lorsque nous éprouvions des difficultés avec le sentiment d’abattement profond qui les accompagne. Ce serait pourtant grâce au message véhiculé par cette citation qu’on trouverait les ressources pour se relever. Mais non, ça ne résonne pas ! Pourquoi ? Chaque être humain a besoin (!) de se forger sa propre expérience. J’allais dire, c’est humain ! L’humain marche au besoin ! C’est une des raisons pour laquelle, en éducation, il convient de bannir les phrases du type « moi parent, il faut que je fasse comprendre à mon enfant que … » Quand la phrase commence par « il faut que je lui fasse comprendre » , je serais tenté de dire que … « ça commence mal ! » Impossible de faire boire un cheval s’il n’a pas soif. L’enfant a besoin de se faire son expérience, parfois de faire des erreurs et de se faire « mal. » C’est comme ça qu’on apprend le mieux. Le cerveau a besoin de faire des erreurs pour apprendre, mémoriser, consolider et ancrer l’apprentissage. La pédagogie par l’erreur a fait ses preuves. Nous parents, qui avons l’expérience (normalement …), il convient d’encadrer l’apprentissage pour limiter les conséquences des erreurs, éviter que l’enfant se fasse « trop mal. » On pourrait faire le même raisonnement en management, en accompagnement, en coaching aussi…
Comment doit alors se positionner celui qui accompagne ? S’il se positionne en donneur de leçons, il a toutes les chances de ne pas être écouté. Ou s’il est écouté, se noue un jeu enfant soumis / parent sauveur dont il est difficile de sortir et qui sera inefficace, parce qu’on fera de l’enfant un adulte dépendant, alors qu’on élève un enfant pour qu’il devienne autonome. En éducation, mais en management, en accompagnement, en coaching aussi, l’autonomie devrait être la finalité des actions qu’on met en oeuvre. Il convient alors d’être patient ! L’accompagné a besoin de faire des erreurs pour prendre conscience de son besoin de s’appuyer sur l’expérience des anciens. Et lorsque l’erreur prévisible survient, c’est là que l’accompagnant doit aider à la prise de recul pour tirer la leçon. L’erreur doit être source de progrès. C’est à ce moment là que la citation va résonner pour raisonner ! On va alors susciter chez l’accompagné le besoin d’écouter, pas forcément un conseil, mais l’expérience de ceux qui ont déjà entrepris. Il pourra alors se saisir de l’esprit de la leçon tirée par l’ancien, qui ne fera pas « la leçon » mais qui, avec bienveillance, la fournira comme la source de raisonnement. Ensuite, il en fera ce que bon lui semble. C’est à dire il adaptera la leçon tirée à sa manière de faire.

Nous sommes face à un paradoxe. L’Homme s’est doté d’un langage pour échanger et transmettre ses savoirs. Il a également inventé l’écriture et l’imprimerie pour les capitaliser. Mais, c’est ainsi. L’Homme a besoin de se faire son expérience. Comme pour beaucoup de choses, c’est l’émergence et la prise de conscience d’un besoin qui fait avancer. C’est ça, la clé ! Le premier besoin est de faire sa propre expérience, c’est humain. Le second besoin vient après, se faire aider par ceux qui ont l’expérience. Faudrait-il devenir sage pour écouter les sages ? Ecouter dans le sens d’entendre et d’en percevoir le sens pour en faire usage ? Il n’est jamais trop tard pour apprendre.
Et vous, parent, manager, accompagnant, si vous souhaitez vous réinterroger sur votre accompagnement, pour mieux aider l’autre à devenir autonome, contactez-moi.