La réflexivité se bornerait-elle à une simple « réflexion » ?

Dans le métier de coach, entre autres métiers, il y a un attendu, « faire preuve de réflexivité. » Très bien ! Mais c’est quoi la réflexivité ? Pourriez-vous en donner une définition simple ? Je me pose et je réfléchis et hop … je fais preuve de réflexivité ? Evidemment que non ! Une réflexion reposerait sur quoi ? La réflexivité porterait, elle, sur quoi d’autre ? S’il y a une différence entre la réflexion et la réflexivité, comment aborder la réflexivité ? Y aurait-il des outils pour structurer la réflexivité, pour éviter de réfléchir sans réelle plus value ? D’ailleurs, quelle est la plus value de la réflexivité et comment se fait-il qu’il s’agisse d’un attendu du métier de coach ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Si vous souhaitez prendre du recul sur votre réflexivité… je vous donne rendez-vous le 8 mars prochain de 18h30 à 20h30 dans le cadre d’un webinaire sur la Pratique réflexive et l’explicitation de sa pratique pour le compte de la commission dynamique associative de l’EMCC.

L’inscription sous ce lien.

Pour faire le distinguo entre réflexion et réflexivité, je vais illustrer le processus qui part d’une réflexion et qui aboutit à la réflexivité. Lorsque le coach sort d’une séance de coaching en disant « j’ai du mal avec le rapport collaboratif entre mon client et moi » il s’agit d’une réflexion. Cette réflexion est réactive puisqu’elle est issue d’une perception, d’une sensation voir d’une émotion. Il ne s’agit bien sûr pas de réflexivité. À partir de cette première réflexion réactive, lorsque le coach commence à faire un lien entre ce qu’il était en train de faire, « nouer le rapport collaboratif avec son client » et son ressenti, « j’ai du mal avec… » alors sa réflexion devient l’objet de sa réflexion. C’est à partir de là qu’on parle de réflexivité. Dans ce cas, c’est une première prise de recul. Et cette première réflexivité peut pendre encore plus de recul, par exemple « comment se fait-il que je rentre sur ma pratique par un ressenti, une émotion qui en résulte, plutôt que sur l’analyse de l’outil d’accompagnement que j’utilisais ? Serait-ce le constat de la relation que j’entretiens avec ma pratique ? » Cette seconde réflexivité peut en amener une autre « entrer sur ma pratique par mes émotions, ne reviendrait-il pas à dire que je suis plus centré sur moi que sur mon client ? » Etc. Etc. La réflexivité commence lorsqu’on met de la distance avec une réflexion réactive de notre vécu professionnel, notamment celles issues d’une perception, d’un ressenti ou d’une émotion. D’une réflexion, on en reste là. La réflexivité, elle, n’a pas de limite. Chaque réflexivité peut être l’objet de la prochaine réflexivité.

Mais la réflexivité se réduit-elle à se poser des questions ? Evidemment que non ! Par cet exemple, j’ai illustré la plus value de la réflexivité comme source d’apprentissage par la prise de recul de nos agissements en situation. Lorsque la réflexivité nous permet d’apprendre à apprendre de notre pratique, de comprendre notre propre fonctionnement professionnel pour se construire son expérience et son identité professionnelle, alors c’est une méta-compétence. Apprendre à apprendre de sa pratique par la mise à distance de sa pratique, c’est la définition d’une méta-compétence. Dans le métier de coach, la réflexivité a pour finalité une réinterrogation permanente pour s’assurer de l’efficacité et de l’efficience(*) de notre pratique, de la conformité de notre posture au regard du code de déontologie de la profession, de la réponse à la demande de notre client etc.

(*) l’efficience : l’efficacité aux moindres moyens développés.

Photo de Sora Shimazaki sur Pexels.com

Autrement dit, la réflexivité a pour objectif la garantie de la qualité de nos accompagnements au bénéfice de nos clients. Mais pour cela, il faut prolonger ses questions par des réponses et surtout agir ! La réflexivité ne se suffit pas à elle-même. Elle est l’amorce d’une prise de conscience pour une prise de décision de pérenniser, corriger, abandonner, changer ce qui doit l’être au regard du constat d’une bonne pratique ou d’une non-conformité ou d’un écart.

Puisque la réflexivité a pour vocation à prendre du recul sur notre propre fonctionnement, si on ne pratique que l’auto-réflexivité, c’est à dire seul à partir de ses référentiels propres donc, on comprend que la réflexivité va vite aboutir à une impasse. Même si on fait preuve d’honnêteté intellectuelle, l’auto-réflexivité manquera d’exhaustivité et de richesse. On risque de tomber dans l’auto-satisfaction et le confort. A l’inverse, si mon estime de moi-même est défaillante, l’auto-réflexivité risque de ne cibler QUE ce j’ai raté. La réflexivité nécessite donc une confrontation avec d’autres angles de vue, pour être sûr d’avoir fait le tour des 360° de l’objet de notre réflexion.

Quand je parle de confrontation, ce n’est pas au sens d’un jugement, mais au sens de confronter ses propres fonctionnements à des référentiels différents par un questionnement externe. Comme la réflexivité n’est pas innée, elle nécessite de la méthode. L’analyse de la pratique doit être structurée. L’analyse de la pratique structurée doit porter sur

  • le procédural, c’est à dire le comment je m’y suis pris pour faire,
  • le contextuel, c’est à dire mes décisions et actes que le contexte explique,
  • l’intentionnel, c’est à dire ce que je cherchais à faire,
  • le déclaratif, c’est à dire l’outil utilisé et ce que j’en maîtrise de ses limites d’utilisation et de ses objectifs
  • et pour finir, le sensoriel, c’est à dire ce que j’ai repéré, vu, entendu, perçu, senti, ressenti etc.

En illustration du dernier point, le sensoriel, puisque la mémoire procédurale est implicite, l’appel à la mémoire émotionnelle est un excellent moyen de retrouver « la trace mémorielle(*) » de ce que l’on à fait. Pour vous en convaincre, je suis sûr que vous vous rappelez où vous étiez et avec qui lorsque vous avez appris la nouvelle un certain 11 septembre 2001. Par contre la veille, le 10 septembre 2001… que faisiez-vous ?

(*) La trace mémorielle : citation de Pierre Vermersch, concepteur de la technique d’entretien d’aide à l’explicitation de sa pratique, « le praticien conserve la trace mémorielle de ce qu’il vit qu’il est possible de faire revenir à la conscience » grâce à l’explicitation de sa pratique.

En résumé la réflexivité commence lorsque je prends ma réflexion comme objet de ma réflexion, pour en tirer des leçons et définir des axes d’amélioration. On alimente ainsi la boucle d’amélioration continue de sa pratique qui est le fondement même de l’assurance qualité que nos clients sont en droit d’attendre, puisqu’il fait partie d’un attendu du code de déontologie. Ça c’est la réflexivité à froid, en prise de recul SUR sa pratique. Il y a encore la réflexivité à chaud, en situation, en prise de recul DANS sa pratique, en situation avec son client. C’était l’objet de l’article de la semaine dernière sur la Pratique réflexive de Donald.A Schön.

Si vous voulez prendre du recul sur votre réflexivité, dans le cadre de la supervision, contactez-moi.

Et rendez-vous le 8 mars prochain de 18h30 à 20h30 dans un atelier organisé par la commission dynamique associative de l’EMCC. L’inscription sous ce lien.

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