Cette réflexion m’est venue lors d’un partage entre coachs professionnels avec qui nous évoquions notre légitimité à exercer. Cette question se pose à tous les praticiens qui ont comme objet de leur pratique, l’humain comme formateur, mentor, compagnon, manager même. A écouter les uns et les autres, cette question revêtait soit un frein, par la peur de n’être pas légitime soit un moteur pour le devenir et surtout le rester. D’où vient-elle cette quête de légitimité ? Est-ce un besoin ? Vis-à-vis de qui ? Un besoin vis-à-vis des autres ? Ou un besoin vis-à-vis de soi-même ? Y a-t-il un lien avec la confiance en soi ? Avec l’estime de soi ? La connaissance de soi et donc ses motivations profondes issues de son profil de personnalité peuvent-elles aider à rendre conscient ce qui nous pousse à cette quête de légitimité ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Lorsque j’évoque la légitimité, la première question qui me vient à l’esprit est la suivante. Comme coach, comment peut-on accompagner une personne qui par exemple doute sur ses capacités, qui éprouve donc des difficultés sur la confiance en soi et/ou l’estime de soi, si celui qui accompagne a des doutes sur sa légitimité et donc a aussi des doutes sur la confiance en soi et/ou l’estime de soi ?

Je ne dis pas qu’il ne faut pas se poser la question de sa légitimité ! La remise en questionnement permanente est source de progrès continu. Je dis simplement que si, comme coach, on a le moindre doute sur sa légitimité à exercer, il convient de s’abstenir. Le risque de dommages collatéraux vis-à-vis du client est trop grand, surtout dans un cadre professionnel avec l’impact sur la réputation de la profession. Pour me faire comprendre je vais prendre un exemple. Lorsque vous avez obtenu votre permis de conduire et que vous vous êtes retrouvé seul au volant pour la toute première fois, vous avez pris la mesure de votre responsabilité, du risque d’accident et de ses conséquences pour vous et pour les autres. Sans filet, vous êtes-vous posé la question de votre légitimité à conduire une voiture ? Vous avez commencé par rouler avec ce que vous avez appris à l’auto école, prudemment, en prenant d’abord des routes peu fréquentées. Puis vous avez élevé le niveau, jusqu’à vous trouver place de l’Etoile à Paris vers 18h en coordonnant vos mouvements pour en sortir … et arriver à prendre l’avenue de Wagram, sans accident !

Soit j’ai un doute sur ma légitimité et c’est alors un frein à agir, par la peur des conséquences de l’action.
Soit je me pose la question de ce qui constitue ma légitimité pour entreprendre dans ce champ précis avec une perspective de succès garanti de manière à avancer pas à pas. Dans ce cadre que je me fixe, la quête de légitimité est alors un moteur d’amélioration continue et un levier d’élargissement du champ de ma légitimité !
Une des définitions de la légitimité est en plus de la conformité à une règle, l’existence d’un état supérieur de justesse par rapport à un attendu et donc de reconnaissance. Conformité et justesse par rapport à une règle, OK. Pour un coach, conformité et justesse de sa pratique par rapport notamment au code de déontologie de la profession. Mais reconnaissance de qui ? Du client, en fonction de sa demande et de ses besoins d’accompagnement ? De ses pairs ? Ou reconnaissance de soi-même coach, à partir de sa propre représentation de ce que devrait incarner un coach, dans son idéal que l’on s’est forgé. Lorsqu’on parle de son idéal, on parle bien évidemment de l’image que l’on a de soi, par rapport à son propre idéal qu’on s’est construit. On évoque ainsi l’estime de soi qui est l’évaluation de l’image de soi par comparaison avec son idéal.

Lorsqu’on est en quête de légitimité, c’est qu’on est en quête d’une image de soi qui ne colle pas à l’idéal de soi. Il subsiste un écart manifeste et important. Suivant comment on se pose la question de sa légitimité, il peut en résulter un doute persistant sur sa valeur et donc sur ses capacités à agir. La valeur qu’on s’attribue, c’est l’estime de soi. Les capacités à agir, c’est la confiance en soi. C’est comme cela que le manque d’estime de soi a une influence sur la confiance en soi. On reste souvent planté là, dans une quête sans fin de légitimité parce que la peur des conséquences nous freine à agir. Alors, comment en sortir ? Il y a plusieurs pistes. Mais, seule la mise en action peut contribuer à sortir de cette spirale.
Première piste, son propre idéal de soi est surdimensionné. Le profil de personnalité et ses motivations profondes non conscientes peuvent en être la cause. Par exemple, un perfectionniste peut être tenté de mettre la barre au niveau de la perfection et être tétanisé par les moyens à mettre oeuvre pour y parvenir. C’est en ça que la quête de légitimité peut résulter d’un besoin, pour être aimé des autres. Le besoin d’être « conforme en tous points » à la règle qu’on m’a fixé ou que je me fixe moi-même, c’est la vision du monde du perfectionniste. A l’extrême, le syndrome de l’imposteur, qui consiste à avoir peur de la découverte de nos erreurs par les autres, renforce les freins à agir. Pour éviter cela, commençons par se fixer des objectifs S.M.A.R.T. spécifiques, mesurables, atteignables, réalisables et temporellement définis. Les caractères atteignables et réalisables des objectifs contribuent à baisser l’idéal de soi dans un premier temps et donc à diminuer l’écart entre image de soi et idéal de soi. On peut ainsi « se risquer » à agir. Puis, au gré des actions réalisées avec succès, puisque les objectifs étaient atteignables et réalisables, on peut alors élever le niveau des objectifs, c’est à dire élever le niveau de l’idéal de soi ce qui contribue à la quête efficace de perfection. La quête de légitimité devient alors un moteur pour tendre vers la perfection. J’ai pris l’exemple du perfectionniste, mais les 9 profils de personnalités de l’ennéagramme, outil de connaissance de soi, ont chacun leur propre motivation profonde qui peut conduire à une quête sans fin de légitimité.
Seconde piste, l’image de soi et la perception négative du regard des autres sont erronées. Dans ce cas, il faut aller chercher la cause profonde dans la construction identitaire. Par exemple, si dans sa construction identitaire on s’est systématiquement senti plus faible que les autres, parce que le petit dernier de la fratrie, parce que le plus petit en taille, parce que brun aux yeux noirs alors que ceux qui sont « considérés » comme beaux sont blonds aux yeux bleus etc. Il en résulte une sous estimation chronique de sa valeur et donc de ses capacités. Il convient d’aller valoriser ce qui a été positif et fort dans cet océan de négativité et de faiblesse surdimensionnées. Là aussi, c’est en se mettant en action sur des objectifs atteignables et réalisables, qu’on a de bonnes chances de réussir donc, qu’on pourra commencer à capitaliser de la valeur et reprendre confiance en soi.
Le sujet de la légitimité pour un coach est un excellent sujet à aborder avec son superviseur. Même si on ne se pose pas la question ! Surtout même … Ayant réalisé la formation superviseur et étant en cours de professionnalisation, si ce thème vous tient à coeur, contactez-moi dans le cadre d’une supervision avec ces pistes de réflexion :
- Si vous êtes au clair du champ de votre légitimité, alors lorsqu’un client potentiel vous expose sa demande à l’occasion d’une première séance gratuite, vous avez le choix d’accepter ou de ne pas accepter de l’accompagner. Si cela se reproduit souvent, il faudra alors repenser la cible de vos clients pour augmenter les chances d’accepter une demande qui entre dans le champ de votre légitimité.
- Si la question de votre légitimité se pose à vous au cours du processus de coaching, l’oeil extérieur du superviseur pourra vous aider à :
- soit lever le doute par l’examen des solutions envisageables pour sortir de la situation inconfortable,
- soit le code de déontologie de la profession prévoit le cas du dépassement de ses compétences en orientant votre client vers un professionnel plus adapté à sa demande (un confrère coach, un psychologue ou autre).