Aujourd’hui un article pour « les praticiens. » Un praticien est celui qui « pratique » une technique, un métier, un art. Surtout si vous pratiquez avec l’humain comme objet de la pratique, j’imagine que cet article va vous parler. Celui qui pratique, avec l’humain comme objet, a une spécificité, il « réfléchit » en situation. Avec quelle intention réfléchit-il ? Pour se concentrer sur ce qu’il fait, allez-vous me dire. Il réfléchit pour déterminer une stratégie et un outil à son service. Et tout ça en temps réel. Réfléchir en situation demande alors de faire 2 choses en même temps, pratiquer et s’observer pratiquer ! S’observer pratiquer pour s’assurer que le choix opéré de stratégie et d’outils utilisés est le bon.

DANS sa pratique, en situation donc, pratiquer et s’observer pratiquer en même temps … c’est difficile ! Particulièrement, si on pratique sur l’humain, avec quelqu’un ou un groupe devant soi. A froid, réfléchir SUR sa pratique, c’est plus simple mais … c’est un peu tard ! Par contre, ça permet d’apprendre de sa pratique ! Identifier ou plutôt « prendre conscience » de ce qu’on a raté ou bien fait !
Eh bien, vous avez là tout l’intérêt et l’intention de la Pratique Réflexive de Donald-A Schön qui a conçu son concept pour que « celui qui pratique ait conscience de sa pratique en situation. » S’entraîner à la réflexion SUR sa pratique, c’est à dire à froid, permet d’améliorer la réflexion DANS sa pratique, à chaud, en situation. Comment ? En pratiquant la Pratique Réflexive, une méta-compétence ! C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.
Si vous pensez que cette pratique peut vous être utile pour améliorer votre pratique professionnelle avec l’humain comme objet, contactez-moi, j’anime un atelier sur le sujet.
La Pratique Réflexive est un concept de Donald-A Schön, un pédagogue américain du siècle dernier. Il l’a conçu pour l’andragogie qui est la science de l’éducation des adultes, la « péda »gogie pour adultes en quelque sorte. Connaissant le concept, l’ayant pratiqué en andragogie et le pratiquant encore aujourd’hui de manière assidue dans mon métier de coach, assurément oui, je l’affirme : « la Pratique Réflexive est utile dans toutes les pratiques professionnelles avec l’humain comme objet, coaching par exemple. » Elle m’a été notamment fort utile lorsque j’étais coach primo-intervenant ! Pour apprendre de ma pratique.
Lorsqu’on pratique avec l’humain, en plus du contenu des échanges, il y a l’affectif. En situation, il est très difficile de « réfléchir » lorsqu’on est pollué par l’affectif. Oui, les professionnels de l’accompagnement sont formés pour « faire son affaire de ses croyances et de ses propres émotions. » Mais quand même, il faut bien l’avouer, c’est difficile ! La Pratique Réflexive apporte une plus value pour cela, je vais y venir, mais pas que pour cela.
La Pratique Réflexive apporte une grande plus value pour la formulation de son intention stratégique en situation, puis sur le choix de l’outil que le praticien va utiliser au service de son intention. Quand je dis « choisir l’outil » il peut s’agir de LA question que je vais choisir, ou plutôt du silence que je vais observer, parce qu’il sera plus utile à mon intention stratégique. La formulation de l’intention stratégique puis le choix de l’outil approprié, le tout en situation, c’est ce que Donald Schön appelle « la conscience de sa pratique en situation » c’est à dire « pratiquer en conscience. » La Pratique Réflexive aide grandement à cette prise de conscience. J’y viens.


Le coach mobilise et combine ses ressources de manière à élaborer sa tactique d’accompagnement en temps réel ! Il met alors en oeuvre des savoir-faire et des savoir-être qu’ils adaptent en situation à la spécificité du coaché. Ces savoir-faire et savoir-être nécessitent d’être acteur tout en étant observateur de sa pratique, c’est un « savoir-réfléchir et un savoir décider en action donc en conscience. » Et tout cela en une fraction de seconde ! Sans entraînement, pour un praticien débutant, ce n’est pas difficile, c’est impossible ! Ça va trop vite ! Il faut alors dé-com-po-ser. Mais pour décomposer, il faut le faire à froid. C’est à froid en se repassant le film qu’on peut décomposer ce qu’il s’est passé à chaud, pour déterminer l’intention qui aurait été utile, la stratégie et l’outil qui auraient servi l’intention. La pratique réflexive en situation est une méta-compétence qui n’est pas inée, elle s’apprend, se construit, s’améliore par expérience et surtout par entraînement, à froid, hors pratique.
C’est grâce à la réflexion à froid SUR sa pratique qu’on s’entraîne à améliorer la réflexion à chaud, DANS sa pratique. La pratique réflexive va accroître la compétence de « savoir-réfléchir » et de « savoir-décider » en action.
Alors comment procède-t-on pour pratiquer la Pratique Réflexive ? La Pratique Réflexive est l’acquisition d’une méta-compétence qui s’acquière par la réinterrogation systématique à froid de sa pratique en temps réel. Je dis bien systématique, à chaque fois. Pour ma part, dès la séance de coaching terminée sans dépasser 1 journée, je réexamine mes notes prises en situation pour sélectionner les moments qui « sont allés trop vite » et qui nécessitent une analyse de ce qui s’est joué en situation. Pour cela, j’utilise une technique qui s’appelle l’aide à l’explicitation de Pierre Vermersch, que je pratique en auto-explicitation. Voir mon article sur cette technique
L’explicitation est la verbalisation de l’enchaînement des faits, rien que les faits d’abord, qui a comme objectif de rendre conscient ce qui ne l’a pas été en situation. Plutôt que rechercher le « pourquoi » on se focalise sur « le comment. » Comment je m’y suis pris pour faire en situation ? On comprend ce qui a conduit à. Il convient alors de formuler à froid l’intention visée. Vous allez voir comme c’est difficile … même à froid … alors à chaud …

Ensuite, pour faire rejaillir ce qui s’est joué en situation, on fait appel à la mémoire émotionnelle, la plus performante ! Et … d’autres faits reviennent, comme par magie. Vous avez ainsi les faits d’une part et les émotions d’autres part. Il ne reste plus qu’à analyser, à froid, si c’était la bonne intention et le bon outil approprié. On comprend ainsi « ce qui a conduit à » et « ce qui a manqué pour » être plus performant en temps réel. On repère aussi l’élément clé déterminent qui a conduit à la bonne intention et l’utilisation du bon outil, dont on n’avait pas conscience en temps réel. En fait, la pratique réflexive SUR sa pratique c’est à dire à froid, permet de repérer ce qui a manqué ou ce qui a été finalement le déclencheur pour « pratiquer en conscience » ! Répété à chaque fois, c’est ça l’entraînement à la Pratique Réflexive DANS sa pratique en situation !

Pour visualiser la Pratique réflexive, voici des schémas qui présentent le processus de pensée DANS sa pratique, c’est à dire en situation à chaud et SUR sa pratique, c’est à dire à froid. DANS sa pratique, c’est à dire en temps réel, en situation, le praticien est à la fois acteur et observateur de sa pratique. En permanence, sa Pratique réflexive assure la boucle continue Observer – Calibrer – Analyser – Comprendre pour Agir intentionnellement.

Pour améliorer sa pratique en situation, le praticien analyse alors sa pratique à froid. C’est là qu’il peut prendre le temps de dé-com-po-ser la boucle Observer – Calibrer – Analyser – Comprendre pour Agir. A froid, sa Pratique Réflexive boucle sur Expliciter – Analyser – Comprendre – Conceptualiser sa pratique pour la ré-expérimenter DANS sa pratique la prochaine fois. Et ainsi de suite…
Notez bien que pour être performant à la Pratique Réflexive DANS sa pratique, l’entraînement est à entreprendre comme un sportif. Si on veut être performant le jour J de la course, l’entraînement doit être continu. C’est par la répétition des gestes mentaux à froid qu’on devient performant à chaud, en situation. C’est en répétant ses départs de courses, juste les 10 premiers mètres, que le coureur de 100m passera sous la barre des 10 secondes au 100m, le jour de la course.
Je n’ai fait d’effleurer le sujet. J’anime un atelier sur la Pratique Réflexive. J’y aborde notamment la confusion que l’on fait souvent entre un « réfléchissement » et une « réflexion. » D’après Yann Vacher, Docteur en sciences de l’éducation qui a travaillé sur la Pratique Réflexive, le réfléchissement est « l’expression subjective de la perception d’une situation en faisant surgir ses tensions affectives, cognitives et sociales. » Dans ce cas, difficile de tirer les enseignements de l’analyse de sa pratique à froid. L’analyse serait polluée, les enseignements biaisés. Il faut donc bien faire le distinguo entre les faits et les émotions. D’où l’importance d’expliciter les faits, le comment on s’y est pris pour pratiquer d’une part, et de les séparer des émotions.
Si vous, coachs ou autres professionnels de l’accompagnement, souhaitez plus d’informations sur la Pratique Réflexive, contactez-moi.