Le retour à l’ère des croyances qui bâillonnent la connaissance

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Après l’obscurantisme des dogmes religieux, le XVIIIème siècle est apparu comme le siècle des lumières avec l’ouverture au débat sur les idées et sur les connaissances afin ​de contribuer au progrès de la science dont Galilée avait posé les fondements, un siècle auparavant. En quelque sorte, la connaissance avait pris le pas sur les croyances. S’en est suivi la révolution scientifique et la révolution industrielle. Un peu plus de 200 ans plus tard, aujourd’hui donc, vous avez plus de chance de faire fortune en prêchant une croyance même fausse qu’en partageant une connaissance qui décrit le réel. Un retour en arrière, avec de vielles recettes ! Pour que le dogme qui engendre la croyance puisse financièrement prospérer et asseoir son pouvoir, « l’important n’est pas que ce soit vrai mais que ce soit cru » nous dit Etienne Klein, physicien et philosophe des sciences qui nous donne une vision éclairée du monde d’aujourd’hui. Les stratégies pour imposer une croyance sont nombreuses. Le problème c’est qu’elles sont simples, connues et utilisées depuis des millénaires. Elles redeviennent à la mode et sont aujourd’hui largement utilisées pour asseoir un pouvoir et bénéficier des bénéfices qui s’en suivent. Avant le siècle des lumières, les dogmes et les croyances avançaient à dos de cheval. Notre défi, c’est qu’aujourd’hui, ils avancent à la vitesse de la lumière par internet et l’IA, l’intelligence dite « artificielle. » En l’absence d’un encadrement éthique, les risques sont grands et on les connait, la coercition, l’inquisition, la violence légitimée, une impasse assurée de l’évolution humaine.

Comment se fait-il que nous soyons revenus aux temps des croyances qui s’imposent comme des vérités au détriment de la connaissance qui relatent des faits permettant d’ouvrir le débat d’idées ? Quels sont les mécanismes des croyances ? Comment s’installent-elles dans notre cerveau ? S’il y a manipulation, quelle est-elle ? Comment s’en prémunir pour poursuivre l’évolution de l’espèce humaine et éviter une nouvelle impasse ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Pour comprendre le mécanisme, regardons par le passé, comment les dogmes et les croyances ont prospéré. Les saintes écritures affirmaient que la terre était plate, il fallait y croire sous peine de blasphème, des flammes du bûcher et de l’enfer. Jusqu’à ce que certains cerveaux humains se ravisent et raisonnent pour théoriser et démontrer que la terre ne pouvait être que ronde. Bien des siècles avant que Youri Gagarine, le premier cosmonaute, le voit de ses propres yeux. Dès 1600, des cerveaux humains étaient capables de le voir bien avant leurs yeux, grâce à la science. Fallait-il encore retirer le bandeau du dogme devant les yeux et surtout braver ses interdits. C’est un exemple marquant de l’histoire, mais les exemples de ce type sont nombreux, encore aujourd’hui. Surtout aujourd’hui. Voyez plutôt.

La connaissance met plus de temps à remplacer une croyance. Force est de constater que ceux qui croient ont fait plus de morts chez ceux qui avaient la connaissance que l’inverse. Pourquoi ? Pour une raison simple, la science, particulièrement la physique, met d’abord un principe en équations mathématiques que l’on met ensuite des années voire des siècles à démontrer par l’expérimentation. Vous en doutez ? Regardez. La dernière découverte scientifique majeure qui a révolutionné le monde scientifique est la théorie de la relativité d’Einstein. On ne connaissait rien de rien de l’univers quand il a mis son principe en équations. Tout ce qui a été découvert depuis plus de 100 ans n’a fait que confirmer les équations d’Einstein.

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Un dogme affirme une croyance sans fondement par ce qui est vraisemblable en postulant que c’est LA vérité. Le cerveau humain privilégiant toujours la simplicité, pas par fainéantise mais par instinct de survie(*), la vraisemblance fait appel au bon sens par un raisonnement simpliste sans besoin de connaissance. La vraisemblance s’impose au raisonnement scientifique qui, lui, demande non seulement de la connaissance mais un effort de raisonnement. A contrario, la science prouve par des équations le contraire d’une croyance imposée mais il faut une technique adaptée et donc du temps pour que l’expérimentation démontre ce que la science avance par développement d’équations. Et tant que ce n’est pas démontré, le vraisemblable impose sa loi. Il en est même qui aujourd’hui continuent de croire mordicus que la terre est plate. On les appelle les platistes. De même, il n’y a pas si longtemps, un président des États-Unis d’Amérique, confondant météo et climat, affirmait que le réchauffement climatique n’était qu’une fakenews. En effet, sans savoir le temps qu’il va faire au-delà de 5 jours, comment prédire la météo en 2100 ! Ce raisonnement simple tient la route … c’est évidemment du bon sens ! Mais cela n’a rien d’un raisonnement scientifique. C’est même totalement faux mais « l’important n’est pas que ce soit vrai mais que ce soit cru. » Voyez-vous la faille du cerveau humain utilisée ? On affirme une vraisemblance pour déconstruire un raisonnement et une démonstration scientifique. C’est imparable ! En attendant, le doute et le scepticisme sur la connaissance scientifique se sont installés. La croyance permet de continuer à faire des profits. Jusqu’à ce qu’on constate que les équations scientifiques disaient vraies. Mais il s’est écoulé du temps ; le temps de faire des profits sur le dos de générations sacrifiées.

(*) lire ou relire mon article ‘mon cerveau, mode d’emploi » pour comprendre la priorité de son fonctionnement et en quoi les croyances sont importantes dans l’instinct de survie

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Une croyance qu’elle soit théiste ou non théiste, politique par exemple, cible un danger et un responsable du danger, le grand Satan. Une croyance est militante, évangélisante, oppressante. Elle devient rapidement coercitive pour l’imposer aux non-croyants qui sont désignés comme un danger supplémentaire. C’est toujours pour le bien de l’Humanité que les idéologues légitiment systématiquement le recours à la violence. Pourquoi ? La connaissance scientifique se prouve par A + B, elle s’impose d’elle-même. La science n’a pas besoin de violence parce que les faits s’imposent d’eux-mêmes. A qui veut bien s’y intéresser, évidemment. Une croyance naît d’une affirmation. Elle a besoin de peur et de méconnaissance savamment entretenues pour s’imposer. Avez-vous trouvé dans l’histoire un être humain brûlé vif après lui avoir coupé la langue pour éviter qu’il ne dise que la terre est plate ? C’est pourtant ce qui est arrivé à Giordano Bruno en 1600 à Rome pour avoir simplement dit que la terre ne pouvait pas être plate mais qu’elle était ronde. Et il ne fût pas le seul.

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Mon article d’aujourd’hui titre « LE RETOUR à l’ère des croyances. » Pourquoi ce « retour » à l’obscurantisme aujourd’hui ? Il y a 1000 ans, les croyances reposaient sur quelques livres qui se comptaient sur les doigts des 2 mains, lus par quelques individus qui savaient lire et répétaient inlassablement le même texte, comme LA vérité. On les appelaient les initiés. Ces livres étaient LA référence. On y jurait même dessus. Aujourd’hui, que les informations soient vraies ou fausses, elles fusent dans la seconde même, à la vitesse de la lumière, sur toute la planète, disponibles aux 8 milliards d’êtres humains qui n’ont pas besoin de savoir lire. Il suffit de regarder et d’écouter. Devant le flot d’informations, il est difficile de faire le distinguo du vrai / du faux. Néanmoins, à force de répétition, une information fausse associée à un danger marque le cerveau programmé pour l’instinct de survie. Peur et méconnaissance sont les 2 terreaux de la propagande. Et pour accroître l’impact, les réseaux sociaux filtrent les informations qui vous parviennent en rapport à vos précédentes actions. A la manière des initiés du moyen-âge, vous n’avez plus qu’une seule source d’informations qui ancre vos croyances. Mieux ! S’il vous arrive une information contraire à vos croyances, vous avez même la possibilité de bannir de vos contacts le mécréant qui la colporte, on dit « blacklister un troll » aujourd’hui, pour ne plus écouter la voix du grand Satan. En quelque sorte, on lui coupe la langue, comme Giordano Bruno en 1600. Aujourd’hui, à l’échelle planétaire, vous avez tous les ingrédients du retour des croyances qui bâillonnent la connaissance.

Avant la généralisation des réseaux sociaux, les croyances affirmées s’arrêtaient aux portes des bars voire aux repas de famille du dimanche. Aujourd’hui, un prix Nobel pèse le même poids qu’un théoricien de comptoir sur un réseau social. L’approximatif est plus largement partagé qu’une publication scientifique réservée aux initiés. Le raisonnement scientifique de cause à effet est maintenant remplacé par le raisonnement simple avec une juxtaposition de 2 faits incontestables sans aucun rapport l’un avec l’autre mais qui, en s’appuyant sur la méconnaissance, justifient une croyance. Il suffit de le répéter voire le marteler, à force cela devient LA vérité.

Il y a encore mieux ! Suivez le raisonnement… Pour que les croyances colportées par les réseaux sociaux aient plus de chance d’être reconnues comme LA vérité, on a créé des robots qui nous disent « papa / maman. » Comme ChatGPV par exemple. La science qui a créé ces robots légitime de fait ce que disent les robots. Mais que disent les robots ? Ils ne font que résumer ce qui se trouve sur la toile, sur internet. Et comme sur le net, tout le monde peut écrire tout et n’importe quoi, parce que plus nombreux, les textes des prêcheurs de croyances ont plus de poids qu’un texte d’un prix Nobel ou d’un professionnel d’un domaine. Imparable ! Les dogmes font toujours appel à la science, mais à celle qui contribue à légitimer la propagande qui renforce la croyance devenue légitime.

Pour se convaincre que les croyances ont remplacé la connaissance, c’est l’absence de découverte scientifique majeure depuis la mécanique quantique de Max Planck en 1900 et la théorie de la relativité d’Albert Einstein en 1915. Depuis… plus rien ! Plus aucune découverte scientifique majeure. A part bien sûr des découvertes grâce aux prouesses techniques qui sont venues confirmer les équations d’Einstein. Par exemple le boson de Higgs, soit l’origine de la matière, qui vient les confirmer. Le progrès technique n’a fait que valider des équations vielles d’une centaine d’années, mais plus aucune découverte théorique et scientifique majeure depuis Einstein !

N’y aurait-il plus rien à découvrir ? Bien sûr que non ! Dans ce vide, les croyances ont repris un regain de forme. Qu’il s’agisse du fondamentalisme chez les 3 religions monothéistes. Qu’il s’agisse des dogmes politiques du XXème siècle, le nationalisme par exemple avec les croyances sur les races et le marxisme avec la croyance matérialiste en opposition frontale aux dogmes religieux, « l’opium du peuple. » Autant de nouveaux dogmes qui en remplacent d’autres. Avant de voir apparaître un nouveau dogme basé sur une autre opposition tout aussi frontale à la société de consommation, l’écologisme. Notez le « isme. » Chacun des dogmes, qu’ils soient théistes ou non théistes, légitime la violence pour le paradis terrestre cette fois. L’actualité récente à Sainte-Soline le montre.

Mais où est passée l’éthique b… bon sang ! Particulièrement en politique ! Avec des raisonnements à l’emporte pièce, en mettant 2 faits incontestables et en tirant des conclusions apparemment de bon sens, on préfère cibler les étranger par-ci, ou les riches par-là ou le nucléaire encore par-ici. On en déduit des solutions simples qu’il suffit de mettre en place, pour régler tous les problèmes dont le grand Satan est le seul responsable. Si je reprends l’ancien président des Etats-Unis d’Amérique, pour refouler les mexicains en dehors des frontières, il suffisait de faire comme les chinois avec la muraille de Chine dans le passé, construire un mur. Ce mur aurait résolu tous les maux de l’Amérique, bien évidemment. C’est un exemple qui montre qu’avec un grand Satan identifié et une solution simple, la croisade est légitimée et on accède au pouvoir. Et pour le conserver, on a tellement remonté la pendule des adeptes de la croyance, qu’ils utilisent légitimement la violence comme le coup de force et l’insurrection au capitole. En France aussi, le personnel politique ne valident pas publiquement certaines pratiques de manifestant violents mais créent les conditions de toutes pièces pour légitimer de mettre la tête d’un grand Satan au bout d’un pic. Comme au temps de la terreur. Les dogmes légitiment tout y compris le pire.

Il y a urgence à réagir contre les croyances, aujourd’hui on dit la théorie du complot et les fakenews qui s’en suivent. Pourquoi ? Parce qu’on connait où l’application des dogmes mène l’humanité. L’Histoire de l’Humanité est jonchée de générations sacrifiées. Pourrions-nous en faire l’économie ?

Avant que les prêcheurs de dogme accèdent au pouvoir et bâillonnent pour de longues années la connaissance et la science, il y a urgence à parler, faire preuve de pédagogie, faire résonner les connaissances pour que les cerveaux raisonnent plutôt qu’ils se laissent endormir par les dogmes, les croyances et les solutions simples.

Pour celles et ceux qui connaissent la Spirale dynamique de Clare Graves, cet outil d’accompagnement du changement montre que, plutôt que de s’affronter et alimenter l’immobilisme, l’humanité devra opérer « un saut de conscience » pour poursuivre son évolution. J’en parlerais lors de mon webinaire sur ce concept et sur la Vision intégrale de Ken Wilber le 9 mai prochain, de 18h à 20h30. Si vous êtes intéressé, contactez-moi.

2 commentaires sur “Le retour à l’ère des croyances qui bâillonnent la connaissance

  1. Merci Christian, toujours rafraîchissant pour commencer le week-end.
    Merci de me transmettre les détails du 09 mai.
    A bientôt. Gilles

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  2. Merci Gilles pour ton commentaire. L’idée de mon webinaire du 9 mai de 18h à 20h30 est voir comment utiliser la spirale dynamique et la vision intégrale dans la conduite du changement. Qu’il s’agisse d’éducation des enfants, management d’entreprise, politique et coaching. 2 concepts éclairants ! Vraiment. On ne voit plus le monde avec les mêmes lunettes.

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