Les sciences nous permettent d’améliorer notre compréhension de l’évolution des espèces et notamment de la notre, homo Sapiens. Le généticien Chris Tyler-Smith rappelle que dans le domaine de la génétique « l’évolution (d’une espèce NDLR) n’est pas dirigée vers un but. Elle prend toujours le chemin le plus court, n’opérant que sur ce qui permet à l’Homme de survivre et de se reproduire. » Autrement dit, la nature fait évoluer les gènes pour survivre et se reproduire, pour la survie de l’espèce en quelque sorte. Priorité à la vie. Pour Sapiens, c’est aussi le cas.

Néanmoins, Sapiens est doté d’un cerveau qui raisonne. Grâce à ou à cause de son cerveau qui raisonne, pour analyser l’évolution humaine, il faut donc distinguer l’évolution des gènes et l’évolution des systèmes de pensées et des systèmes de valeurs. Parce que l’évolution des systèmes de pensées et de valeurs est de nature à modifier et transformer radicalement le contexte dans lequel vit Sapiens. Il suffit de regarder le contexte de Sapiens il n’y a que -40 000 ans, encore chasseur-cueilleur et aujourd’hui. Clare Graves, concepteur de la spirale dynamique, parle de Vmemes, c’est à dire « les mêmes valeurs » pour un groupe d’individus qui vivent dans un même niveau d’existence. Les Vmemes sont à la sociologie ce que les gènes sont à la biologie. Au regard de l’impact de l’évolution des modes de pensée du cerveau de Sapiens sur la biodiversité et la planète, cette spécificité humaine qui consiste à raisonner entraînerait-elle une évolution de Sapiens contre nature ? Contre la Nature puisqu’en chamboulant son contexte, il a entraîné avec lui le chamboulement de toute la biodiversité et de la planète. Serait-il un serial killer de la biodiversité, comme le dit Yuval Noah Harari dans son livre « une brève histoire de l’humanité » ? La logique d’évolution de Sapiens serait-elle à contre courant de l’éco-logique ? Si c’est le cas, pouvons-nous espérer que les Vmemes évoluent un jour comme la nature le fait sur les gènes, pour la pérennité de l’espèce humaine et donc de la biodiversité ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

.

Les gènes d’un être humain de couleur blanche ou noire ou jaune sont identiques, les différences sont à la marge. Il s’agit tout au plus de la diversité dans notre génome. Pour s’en convaincre, entre un singe bonobo et Sapiens, il n’y a que 1,3% de gènes différents. Malgré les différences notables entre un bonobo et un Sapiens, ces différences avec le génome humain sont infimes. Autrement dit, tous les Sapiens ont les mêmes gènes. La diversité est un fait qui n’est pas le reflet des différences visibles. La différence entre Sapiens provient des Vmemes ! Tous les Sapiens n’ont pas les mêmes Vmemes, les mêmes valeurs ! Que pouvons-nous tirer de ce constat ?
Contrairement à l’évolution des espèces animales et végétales qui est régit par le seul cycle de la nature pour perpétuer la vie, les Sapiens n’évoluent pas forcément dans le même sens, vers le même système de valeurs, vers le même niveau d’existence et avec le même but. Ça c’est le premier point. Mais chose curieuse et spécifique à notre espèce, l’évolution de Sapiens ne va pas forcément dans le même sens que la nature. La nature faisant évoluer Sapiens vers sa survie, le cerveau de Sapiens le fait évoluer à contre courant. Démonstration.
Sapiens, un serial killer.
- Yuval Noah Harari démontre que, hissé tout en haut de la chaîne alimentaire et sorti d’Afrique il a -70 000 ans, ce chasseur cueilleur a éradiqué des pans entiers de la biodiversité à chaque fois qu’il a atteint un nouveau territoire. La disparition de certaines espèces en Australie, en Sibérie et en Amérique est concomitante à son arrivée et son installation. Sans parler des 5 autres espèces d’hominidés dont il a contribué à l’extermination, sans pouvoir en déterminer la ou les cause(s) certes, mais c’est un fait. Dès l’arrivée de Sapiens sur leur territoire, ces hominidés ont disparu brutalement. Et très rapidement !
- Puis avec la révolution agricole (à partir de -12 000 ans), il a contribué à modifier génétiquement certaines espèces animales pour augmenter le rendement et les rendre dociles à l’élevage et la domestication. C’est à partir de là, où il a commencé à modifier radicalement son environnement et celui des autres espèces vivantes, notamment, en défrichant pour la culture et l’élevage.
- Puis après les révolutions suivantes, d’abord la révolution scientifique (à partir de Galilée au XVIIème siècle) et puis l’industrielle (il y a 170 ans environ), il en est même arrivé à extraire de la planète bleue par an plus que ce qu’elle peut elle-même produire et régénérer. En quelques décennies, il serait capable de pratiquement épuiser le pétrole qui a mis plusieurs millions d’années à se former ! Pire ! Plutôt que de faire marcher son cerveau pour sa survie, il l’a mis au service de la fabrication d’armes de plus en plus sophistiquées pour se combattre entre Sapiens. Voire des armes qui seraient capables de remettre en cause son existence même, je veux parler des armes de destruction massive.
- Son cerveau est tellement prolifique qu’il crée des innovations sans qu’il y ait des besoins identifiés préalablement qui de fait deviennent des besoins, c’est sans fin ! Par exemple, il suffit de regarder la baisse de l’âge de détention d’un téléphone portable chez les enfants aujourd’hui. Qu’en sera-t-il de l’impact sur les ressources terrestres lorsque les 8 milliards d’êtres humains seront tous dotés de téléphones portables avec des batteries au lithium ? Y aura-t-il suffisamment de lithium pour tout le monde et avec quel impact écologique ? Et ce n’est qu’un exemple.
Assurément Sapiens est un serial killer pour tout ce qui l’entoure, mais contre lui-même aussi par voie de conséquence. C’est l’évolution de ses modes de pensées successifs qui sont responsables de cette situation. Engendrant des révolutions successives, ses modes de pensées contribuent à une accélération fulgurante de la modification de son contexte. La nature et la biodiversité n’ont pas ou plus le temps de s’adapter. Sapiens est-il conscient de cela ? Oui et non. C’est fonction de son mode de pensée relatif à son niveau de conscience.
Pour s’en convaincre et entrevoir une piste de solution, je vais rappeler les 3 stades de développement des modes de pensées de Sapiens, à partir du concept de la Spirale dynamique de Clare Graves et du complément qu’apporte Ken Wilber dans son concept de Vision intégrale, précisément dans son livre « une brève histoire de tout. »
Les 3 stades de développement des modes de pensée de Sapiens.

- Premier stade, le mode de pensée pré-personnel et pré-conventionnel. Il regroupe les 3 premiers niveaux de conscience suivants
- le BEIGE l’instinct de survie,
- le VIOLET le mode de pensée tribal et animiste
- le ROUGE le mode de pensée égocentrique, celui de la violence aveugle et du sans foi ni loi.
- Regroupant ces 3 premiers niveaux de conscience, ce stade permet à l’individu de se construire. Mais à ce stade, aucune vie en société durable n’est possible. Aucun raisonnement possible non plus pour imaginer un début de commencement de la préservation de la biodiversité, dans ce mode de pensée, Sapiens est le véritable serial killer que décrit Harari.
- Second stade, le mode de pensée personnel et conventionnel. Il regroupe également 3 niveaux de conscience à partir desquels une vie en société est possible, radicalement différente certes, mais une vie en société quand même, avec des règles et une organisation collective qui fonctionne.
- le BLEU, le mode de pensée absolutiste et dogmatique des dogmes théistes et non théistes, avec des pays actuels comme par exemple l’Iran et la Corée du Nord, pour ne citer qu’eux.
- l’ORANGE, le mode de pensée scientiste et matérialiste de la société de consommation capitaliste.
- le VERT, le mode de pensée relativiste en réaction à l’ORANGE où prime le respect de la nature, de la diversité humaine et de la biodiversité.
- Il est à noter que le monde occidental est actuellement dans une crise existentielle entre le niveau ORANGE de la société de consommation et le niveau VERT de la préservation de la planète.
On pourrait penser qu’à partir du VERT, ça y est ! Sapiens a enfin pris conscience qu’il est un serial killer, qu’il doit raisonner pour préserver la planète et agir dans le même sens que la nature. Alors oui et non. Oui, dans ce niveau d’existence, il a eu le déclic. Mais non au final ! Il n’en est rien. Il n’en sera rien. Du moins pas encore ! Pourquoi ? Pour plusieurs raisons simples. Tout d’abord, le VERT exècre la science. Ce niveau de conscience s’est créé justement en réaction à la science de l’ORANGE responsable selon lui de la dégradation de la planète. Le VERT rejette la science en bloc, sauf celle qui sert sa cause idéologique et non l’action pragmatique pour l’écologie, la préservation de l’environnement de Sapiens. Le VERT pense agir pour le VERT, mais il agit contre l’ORANGE. Et s’il n’y parvient pas, alors il se réfugie dans le ROUGE du sans foi ni loi, qu’il légitime au nom du VERT. Il suffit de regarder toutes les actions hors la loi actuelles, légitimées par l’idéologie issue du VERT tendance ROUGE. Alors que c’est pourtant la science, c’est à dire la capacité du cerveau humain à mettre la science au service de la nature, qui permettra de résoudre techniquement les problèmes écologiques que Sapiens a lui même créés. L’éco-logique au secours de l’écologie et non l’idéologie VERTE au secours de Sapiens. Le second point réside dans la seule solution que prône le niveau d’existence VERT pour résoudre le pillage de la planète, à savoir la décroissance radicale, plutôt que la recherche de la sobriété raisonnable à ajouter à l’action efficace parce que pragmatique au regard de l’urgence éco-logique. La sobriété est la seule solution prônée par le VERT, puisqu’il exècre la science. Sapiens ne marchant qu’à la satisfaction de ses besoins, allez demander aux milliards de Sapiens de se priver de leurs besoins devenus vitaux… Et allez demander aux milliards de Sapiens des pays en voie de développement de stopper net leur développement où ils en sont arrivés… « Et pourquoi nous, on devrait se sacrifier alors que vous, pays occidentaux, vous vous êtes gavés depuis 170 ans ? » Raisonnement légitime, non ? Une situation impensable, à moins d’une dictature VERTE, comme les dictatures BLEUES, qui imposerait le principe de la coercition « tu baisses, tu éteins, tu décales sinon on organise la pénurie et on prend des mesures coercitives pour t’imposer de consommer moins. » On se sacrifierait aujourd’hui pour un paradis terrestre VERT demain. C’est la même logique que le sacrifice terrestre pour le paradis céleste du niveau BLEU des dogmes théistes qui légitiment la croisade, la coercition et l’inquisition « pour le bien de l’humanité ! » Le principe est le même. Néanmoins, oui à la sobriété raisonnable parce que raisonnée dans le cadre d’une stratégie pragmatique, non idéologique. Mais la raison, ce n’est pas du VERT, c’est de l’ORANGE. Et les 2 EN MÊME TEMPS, c’est le niveau d’existence suivant. Et même si le niveau VERT ne bascule pas vers une nouvelle forme de dictature de la sobriété, une de plus, il pourrait prôner la recherche compulsive du compromis pour satisfaire toutes les minorités opprimées, c’est son principe fondateur. Dans tous les cas, le niveau d’existence VERT convergera inexorablement vers l’immobilisme de l’humanité, une impasse. C’est Clare Graves qui le dit.

Le niveau d’existence suivant, le JAUNE, permettra de résoudre cette impasse. C’est la logique du concept de Clare Graves. Chaque niveau d’existence crée sa propre crise existentielle que seul le saut de conscience d’un changement de paradigme, de mode de pensée, de vision du monde et de système de valeurs permettra de résoudre. Néanmoins, le saut de conscience résultant de la sortie du niveau VERT sera radical. C’est plus qu’un changement de paradigme, de vision du monde et de système de valeurs. Ce sera un changement radical du mode de pensée ; du mode de pensée personnel et conventionnel vers le mode de pensée trans-personnel que je décrirai ci-dessous. Plutôt que de se combattre au travers de nos niveaux d’existence radicalement différents, n’intégrons QUE le meilleur de tous les niveaux d’existence pour avancer dans un nouveau mode de pensée.
Le niveau JAUNE intégrateur sera la solution à l’immobilisme créé par soit la recherche compulsive de compromis impossible à atteindre soit l’impasse du dogme répressif VERT. Le niveau JAUNE sera le retour au pragmatisme mais pour la pérennité de l’espèce Sapiens en réel danger par sa propre évolution.

- Troisième stade, le mode de pensée trans-personnel. Il regroupe 2 niveaux de conscience, avant d’atteindre un troisième niveau de conscience ultime et hypothétique, qui est aujourd’hui totalement inconcevable.
- Après les 6 premiers niveaux d’existence qui ne peuvent que se combattre car en opposition frontale, l’humanité devra prendre conscience qu’il est temps d’INTÉGRER le meilleur et SE TRANSCENDER. En commençant par le JAUNE, le mode de pensée qui solutionnera l’immobilisme du niveau VERT par « l’intégration EN MÊME TEMPS du meilleur de tous les contraires dans une tension créative » c’est sa définition. Autrement dit et pour faire simple, on intègre la science du niveau ORANGE au secours de la préservation de la planète et de la biodiversité du niveau VERT. L’un ET l’autre EN MÊME TEMPS et non en opposition frontale qui concoure à l’immobilisme et surtout sans aucun règlement de la crise écologique.
- Le niveau d’existence suivant, le TURQUOISE, sera régit par un mode de pensée holistique, c’est à dire une approche plus globale. Une fois n’avoir intégré QUE le meilleur de tous les niveaux d’existence précédents, Sapiens pourra se transcender dans une vision globale et un mode de pensée holitisque.
- Je ferai prochainement un article sur le concept de vision intégrale (et globale) de Ken Wilber.
En résumé de ces 3 modes de pensée de Sapiens, comment rendre son évolution éco-logique ?
Le niveau VERT est le déclic d’une prise de conscience de Sapiens sur l’absence d’éco-logique de son évolution. C’est nécessaire mais pas suffisant. C’est bien dans le stade trans-personnel, à partir du niveau d’existence JAUNE qu’il pourra véritablement agir de manière pragmatique avec l’évolution de ses Vmemes en phase avec l’évolution des gènes de la nature. C’est bien à partir du JAUNE que Sapiens évoluera enfin dans ce sens et non à partir du VERT. Contrairement au VERT, le JAUNE est systémique. Il s’intéresse au système de manière opérationnelle en intégrant le meilleur pour avancer. Alors que le VERT est plus occupé à combattre l’ORANGE et donc à freiner l’évolution, d’où l’immobilisme que prévoit Clare Graves.
Après les 3 révolutions de Sapiens agricole, scientifique et industrielle, la prochaine révolution sera écologique ou plutôt éco-logique. C’est à dire non idéologique, mais en utilisant ce don de la nature, un cerveau qui raisonne, pour se détourner de sa tendance compulsive à être contre nature. Néanmoins, le chemin est encore long avant cette prise de conscience et surtout pour que les 8 milliards d’êtres humains arrivent au stade trans-personnel. D’ici là, l’héritage de Sapiens sur sa planète n’aura-t-il pas déjà eu raison de son existence par une autodestruction irraisonnée ? C’est possible. D’où le saut de conscience vital à opérer que prévoit Clare Graves. Et le plus vite possible. La machine infernale enclenchée par le réchauffement climatique laissera-t-elle le temps à Sapiens de survivre ?

C’est une course contre la montre !
A nous tous d’oeuvrer dans ce sens de l’évolution de manière rationnelle et raisonnée mais pas de manière idéologique donc irraisonnée, c’est une impasse programmée. Autrement dit, oeuvrons avec l’aide du don de la Nature, notre partie du cerveau de Sapiens qui raisonne, le néo-cortex, pas avec le cerveau limbique et reptilien des émotions et de l’instinct de survie utilisé par les idéologues, à d’autres fins. Sinon, Sapiens, tu cours à ta perte.
Et pour y apporter une modeste contribution, je vais programmer très prochainement une conférence sur l’utilisation concrète de la Spirale dynamique de Clare Graves et de la Vision intégrale de Ken Wilber dans l’accompagnement du changement dans tous les domaines éducation des enfants, management en entreprise, politique, coaching et autres. Si vous êtes intéressé par cette thématique, contactez-moi.