
Cette citation provient du livre « une brève histoire de tout » de Ken Wilber, le père du concept de vision intégrale. En effet, vous pouvez me faire passer un scanner du cerveau, me mettre des électrodes sur le crâne pour un électroencéphalogramme, vous ne pourrez jamais accéder à mes intentions, mes pensées, mes désirs, mes envies, mes valeurs, ma conscience. Pour y accéder, il faudra établir un dialogue entre vous et moi. Puis en fonction de ce que je vous dirai, vous allez interpréter mes dires pour accéder à, ce qu’appelle Ken Wilber, la profondeur de ma pensée. « La profondeur doit être communiquée et la communication doit être interprétée » dit-il.
Alors que vous soyez coach avec votre client ou simple interlocuteur dans un dialogue avec l’autre, comment vous y prenez-vous pour s’assurer de bien interpréter les dires de votre interlocuteur et accéder à sa pensée profonde, la vraie ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Dans cet article, quelle qu’en soit l’utilisation, je vous propose donc de passer en revue tout ce qui nous permet d’accéder à la pensée de celle ou celui que nous avons en face de nous et de se rapprocher le plus possible d’une interprétation pertinente. Puisque vous n’avez pas vécu ce qu’a vécu votre interlocuteur, vous ne pourrez pas vérifier que ce qu’il vous dit est la VÉRITÉ. Vous ne pourrez pas comparer son discours à la RÉALITÉ de ce qu’il a vécu. Il faudra donc vous attacher à la VÉRACITÉ du discours, vous rapprocher le plus possible de la VÉRITÉ et donc la RÉALITÉ. Accéder à la pensée de quelqu’un est un peu l’interprétation de la boîte noire d’un avion après un événement. Il faut faire parler tous les indices. Il y a des outils pour cela.

Avant même d’aborder le comment accéder à la pensée de l’autre, définissons le verbe interpréter. C’est « rendre clair ce qui est obscur. » Dans cette définition, on admet donc que la pensée d’autrui est obscure, non observable directement donc. Il convient donc d’y mettre un coup de projecteur. Mais de quel coté mettre la lumière ? Suivant le coté par lequel j’éclaire un objet, je vais influencer l’interprétation de l’objet. Pour accéder à la pensée de l’autre, il me faudra user de plusieurs coups de projecteurs dans mon questionnement de manière à explorer toutes ses facettes. Ken Wilber propose d’interpréter suivant les 4 quadrants de son concept de vision intégrale comme présenté sur l’image.
- l’intentionnel c’est à dire ce qui est individuellement subjectif, le quadrant en haut à gauche, le « JE »,
- le comportemental c’est a dire ce qui est observable et individuellement objectif, le quadrant en haut à droite, le « ÇA »,
- le culturel c’est à dire ce qui est collectivement subjectif, le quadrant en bas à gauche, le « NOUS »,
- et le social ce qui est observable et collectivement objectif, le quadrant en bas à droite, le « EUX ».
Interpréter, c’est aussi « traduire » « donner un sens » c’est à dire « le dire autrement. » On voit déjà l’outil qui permettra de s’assurer de la compréhension du sens de ce qui a été dit, à savoir la reformulation.
Mais interpréter est plus « profond » (pour reprendre le terme de Ken Wilber) que comprendre. L’analyse qui suit le questionnement permet d’abord de comprendre. C’est à dire comprendre ce que signifient les dires de l’autre. Puis on passe à l’interprétation, qui va plus loin, plus profondément. On commence à émettre des hypothèses qui tentent d’expliquer la signification du discours. Néanmoins, en matière de communication orale ou écrite, les défauts d’interprétation sont légions ! Puisqu’on peut faire fausse route, puisqu’on peut mal interpréter ce que dit l’autre, il convient alors de réinterroger le fruit de notre interprétation de la pensée de l’autre. Cela a 2 intérêts. Pour celui qui cherche à accéder à la pensée de l’autre, c’est s’assurer de la bonne hypothèse d’interprétation ; et pour celle ou celui qui fait don de sa pensée, il peut lui aussi accéder à la cause profonde de ce qui donné naissance à sa pensée. C’est souvent une révélation pour celui qui s’exprime ! Notamment dans le domaine des croyances ! L’obscurité de la profondeur de sa propre pensée l’est aussi pour celui qui pense. Exemple de réinterrogation « D’après ce que je comprends, serait-ce dans votre enfance que cette croyance sur votre manque de confiance en vous s’est installée ? » L’outil utilisé est l’écoute active qui permet de comprendre, interpréter et évaluer les dires de l’autre.
Interrogeons-nous maintenant sur le comment s’exprime celle ou celui qui parle. Pourquoi ? Pour une raison simple. Les mots seuls ne sont qu’une infime partie du message transmis. Sapiens est un animal communiquant. Dans un message oral, 7% des mots seulement, 38% du paraverbal (le ton employé) et 55% de non verbal traduisent la pensée. Parfois, il y a de la retenue consciente dans ce que l’on dit. On peut travestir les mots. Parce que … on ne peut pas tout dire. Il faut un contexte pour tout dire, j’aborderai ce sujet plus loin. Néanmoins, le ton employé et surtout les gestes et la posture associés aux mots trahissent la pensée. Il convient d’analyser, chercher à comprendre et interpréter le ton employé, les gestes et postures utilisés pour accéder à des champs complémentaires de la pensée de l’autre. Il convient d’être attentif à l’éventuelle dissonance, parfois subtile, entre les mots et la manière de les dire. « J’ai senti un léger soupire lorsque vous avez acquiéscé à ma question précédente. Je me trompe ?«

Que me dit-il ? Avec quels mots utilisés ? Dans sa logique, les mots représentent quoi ? Comment me le dit-il ? Avec quel ton employé ? Et s’il me le dit avec ce ton là, avec cette posture là, quelle était son intention ? Pour répondre à ces questions et surtout trouver des réponses fiables, au sens d’éviter toute « mauvaise » interprétation, il me faut utiliser des outils de reformulation, de requestionnement, voire même le silence pour observer la réaction de manière à accéder à la plus juste interprétation de ce que signifie son message dans sa globalité, verbal, paraverbal et non verbal. Je peux, moi-aussi, « jouer » avec le ton employé, utiliser le même que celui de mon interlocuteur, la même posture, en tentant de me synchroniser avec lui. La synchronisation et la calibration sont aussi des outils qui permettent d’être sur la même longueur d’onde pour contribuer à aller plus en profondeur.
Il y a un point également primordial qu’il convient d’aborder, c’est la véracité des dires de mon interlocuteur. C’est à dire, peut-on avoir confiance sur le contenu de ce qu’il dit. Il est évident qu’on ne va pas lui poser la question en ces termes « comment puis-je faire confiance en ce que vous me dites ? » On aurait sans aucun doute une perte de connexion assurée. Par contre, on peut extérieurement connaître où la pensée va chercher le contenu du discours qui va suivre. Est-ce dans l’expérience vécue ? Dans l’imaginaire parce que l’interlocuteur ne se rappelle manifestement plus ? Dans une reconstruction imaginaire de la réalité, donc ? Dans ce qu’il a vu ? Entendu ? Fait ? En PNL, on associe le mouvement des yeux à l’initiation de la pensée. Plus précisément, il convient d’être attentif là où les yeux se portent entre le moment où la question est posée et le moment où le premier mot sort de la bouche.

Lorsque les yeux se portent en haut à droite, l’interlocuteur imagine et construit une nouvelle image. En haut à gauche, c’est un visuel remémoré, il accède à sa mémoire visuelle. En latéralement à droite, c’est un accès à l’auditif construit. En latéralement à gauche, il s’agit d’un auditif remémoré, en accès à la mémoire auditive. En bas à droite, l’interlocuteur accède à ses sensations, le toucher notamment, ce que l’on appelle le kinesthésique. Et puis, en bas à gauche, l’interlocuteur est en dialogue intérieur, il se parle avant de vous parler. Après cette observation, celui qui reçoit le message peut alors associer les mouvements des yeux et interpréter la véracité du discours. Est-ce vraiment ce qu’il a vécu ? Est-ce une reconstitution sur laquelle il convient d’être prudent ? Et qui demande donc un requestionnement, une reformulation pour s’en assurer. Pour être totalement sur la même longueur d’onde, on peut même adapter la question qui suit aux mouvements des yeux. Par exemple, lorsqu’il porte ses yeux vers sa mémoire visuelle, la question pourrait-être « que revoyez-vous de cette période ? Quelles sont les images qui vous reviennent ? » Vous aurez accès à des éléments précis qui vont alimenter votre interprétation. Dans ce cas vous aurez accès à la réalité, à ce qu’il a réellement vu et gravé en mémoire.

Et pour finir sur l’interprétation, comme le dit Ken Wilber, « toute interprétation est lié à un contexte. » Puisqu’on parle de s’assurer de la véracité de ce que dit l’autre, comment voulez-vous que l’autre se livre à un questionnement de type interrogatoire sans en connaitre l’utilisation qui va en être faite. Si vous voulez avoir accès à quelque chose d’intime, ce qu’il s’est passé dans son enfance par exemple, il faut au préalable qu’il ait une assurance, un contexte rassurant. Comme chez un professionnel de santé, on se met à nu que parce qu’on a confiance en la confidentialité du praticien, parce qu’on est volontaire pour obtenir un mieux-être. Il convient alors d’instaurer un rapport collaboratif, un contrat de communication. Quel est le but poursuivi par le questionnement ? C’est le cas en coaching, de manière à ce que celui qui parle se sente en sécurité, en confiance, en empathie, en bienveillance, sans jugement. Ken Wilber parle d’entrer en « résonance empathique » avec l’intériorité de l’autre pour accéder à sa profondeur. On interprète alors par empathie. Sinon, on aura accès qu’à une infirme partie de la pensée, voire même à une pensée biaisée par la retenue, voire la dissimulation ou la déformation volontaire.
On ne peut pas parler d’interprétation de la pensée de quelqu’un, sans parler du référentiel utilisé par celui qui interprète. J’entends par là, que celui qui interprète va teinter plus ou moins consciemment les dires de l’autre, en fonction de sa culture, de son vécu, de son expérience. À notre interprétation, nous apportons notre bagage cognitif, linguistique, conceptuel et culturel. Suivant dans quelle vision du monde se trouve celui qui interprète, l’interprétation peut être biaisée. Ken Wilber classe ces biais suivant les niveaux d’existence de la spirale dynamique de Clare Graves l’archaïque, le magique, l’egocentrique, le mythique, le rationnel, l’existentiel, le transrationnel, dans le sens de l’évolution de la conscience humaine. Ceux qui connaissent le concept de la spirale dynamique auront reconnu les couleurs des niveaux d’existence, BEIGE, VIOLET, ROUGE, BLEU, ORANGE, VERT, JAUNE et TURQUOISE.

Coachs, si vous voulez requestionner les interprétations que vous faites de la verbalisation de vos clients, contactez-moi. Je me suis formé à la supervision. Nous pourrions ensemble repasser vos interprétations suivant la grille de Ken Wilber, la vision intégrale.