Les mots me manquent pour exprimer mon émotion

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Les clients frappent souvent à la porte d’un cabinet de coaching pour la demande suivante « je voudrais pouvoir gérer mes émotions, parce qu’en pareille situation, les mots me manquent pour exprimer mon émotion. » Quand on connait le fonctionnement du cerveau, on sait qu’une émotion ne se gère pas, c’est la situation qu’on gère. Nuance !

« Les mots me manquent » est une expression que l’on utilise souvent quand on est saisi de surprise, de stupéfaction, de stupeur ou d’effroi sur un événement marquant, indifféremment positif ou négatif d’ailleurs. Avant de formuler cette phrase, une expression faciale émotionnelle caractéristique apparaît, les yeux écarquillés, la bouche ouverte accompagnée d’un souffle court, voire même le blocage de la respiration un court instant. Comme si le temps était suspendu. Que se passe-t-il durant tout ce temps entre les 2 oreilles ?

Finalement, seraient-ce les mots qui manquent à la langue française pour verbaliser, exprimer, extérioriser son émotion ? Non, parce que bizarrement à froid, les mots reviennent comme par magie. Ou alors, est-ce révélateur du mode de fonctionnement du cerveau de l’homo sapiens ? Fonctionnement que nous ferions bien de connaitre parce qu’il conditionne tant de postulats négatifs sur lesquels nous basons nos comportements. Ainsi, il est difficile de « gérer les situations émotionnelles. » C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Lorsque je suis frappé de surprise, de stupéfaction, de stupeur, d’effroi, c’est bien à cet instant précis que le fonctionnement inné du cerveau agit. En pareil cas, l’amygdale s’active alors. Pas l’amygdale que nous avons dans la gorge, mais le petit appendice gros comme une cacahuète juste au-dessous du cerveau limbique, qui est le siège des émotions. Lorsqu’un événement soudain apparait, l’amygdale est activée. C’est ce qu’on appelle « le chien de garde du cerveau. » Tous les sens arrivent là et sont analysés sous une forme binaire « dangereux » / « pas dangereux. » Il faut savoir que la nature nous a doté d’un cerveau évolué, qui raisonne avec une pensée analytique complexe, à la différence du règne animal. Et ça, c’est un gros handicap en situation d’urgence. Imaginez le cerveau englué dans une pensée rationnelle et analytique, alors qu’un danger imminent vous fonce dessus. En pareil cas, il faut agir vite, fuir ou lutter, la priorité n’est pas à l’analyse mais à la survie. Notre cerveau traite en priorité absolue l’instinct de survie, parce que notre cerveau est conçu pour un chasseur cueilleur d’il y a 300 000 ans qui est descendu de l’arbre, où il était en sécurité, pour satisfaire ses besoins et il s’est mis en danger dans la savane africaine. Et donc l’amygdale va bloquer temporairement le fonctionnement du cerveau préfrontal qui est le siège du contrôle rationnel du comportement, pour agir sur le cerveau reptilien, le plus archaïque de notre cerveau, le cerveau des dinosaures. Le cerveau reptilien va activer les hormones du stress, cortisol et adrénaline, pour faire face physiquement à la menace.

La définition d’une émotion trouve son origine dans l’étymologie du mot « Émotion » qui vient du latin « e » « movere » c’est à dire se mouvoir vers l’extérieur. L’émotion est une pression interne qui monte et que l’on sent dans tout le corps, comme un ballon de baudruche qui gonfle, ça prend un certain temps. Et quand on parle d’une « expression » de l’émotion, là aussi l’étymologie nous éclaire. « Ex-pression » comme « sortir la pression » qui vient de monter. Pour s’exprimer, l’émotion a plusieurs manières de le faire. Tout d’abord, par les muscles du visage. C’est l’expression de la surprise, une émotion de très courte durée, une émotion de plus que les 4 émotions de base que sont la peur, la colère, la tristesse et la joie. Les chercheurs ont identifié exactement les mêmes muscles du visage sollicités pour la surprise et la peur, que la surprise aboutisse à la joie, lorsqu’on vous offre un cadeau par exemple, ou que la surprise aboutisse à une autre émotion, peur, colère ou tristesse pour une situation dramatique.

A ce temps court de surprise, durant lequel aucun mot n’est prononcé, suit un temps de réaction physique qui s’extériorise par des cris, et toujours pas des mots, des gestes désordonnés totalement non coordonnés, rappelez-vous votre cerveau préfrontal est désactivé.

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Ce n’est que lorsque le danger s’est éloigné, que la pression interne est retombée, qu’on commence à prononcer des mots, généralement la phrase « les mots me manquent pour exprimer mon émotion. » Avant de prononcer un mot en adéquation avec la situation, il convient d’analyser. Et pour analyser, il convient de sérier les informations, les classer pour qu’ensuite on choisisse des mots appropriés. La pensée analytique prend du temps. Tant que nous sommes sous l’emprise de l’émotion, le cerveau a du mal à trouver les mots appropriés. C’est normal. Notre cerveau limbique, le siège des émotions, fonctionne 10 fois plus vite que notre cerveau néo cortex, qui fait de l’homo sapiens une spécificité du règne animal avec une pensée analytique complexe. Priorité à la survie et non au raisonnement.

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Et c’est là où je voulais en venir. Aux clients qui viennent voir un coach avec la demande suivante « je voudrais pouvoir gérer mes émotions«  on va leur dire que c’est non seulement impossible, mais pas souhaitable. Ah ! Impossible parce que c’est la conception même de notre cerveau provenant de notre ADN. Ce serait comme demander à un ordinateur une tâche pour laquelle il n’est pas programmé à la conception. Pas souhaitable non plus, parce que cela représenterait un risque pour notre survie. Ah ! « Oui mais alors, je fais comment, moi pour gérer mon émotion ? Et pourtant d’autres y arrivent ! » En effet, certains y arrivent. Mais à bien y regarder l’identification de la solution est une affaire d’éducation ! Encore et toujours l’éducation ! Depuis plus de 2000 ans, on nous apprend à cacher nos émotions « ne pleure pas«  »arrête de crier ta colère » « n’aies pas peur » « arrête de sauter partout en exprimant ta joie. » On en déduit donc que « gérer son émotion » c’est la contenir en dedans. Essayez pour voir … vous n’y arriverez pas ! Un jour où l’autre elle sortira cette pression avec plus de force et de manière explosive. A la manière d’un volcan qu’on croyait éteint.

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Alors comment répondre à cette demande « je voudrais pouvoir gérer mes émotions. » Eh bien c’est assez simple en réalité ! Une émotion ne se gère pas, nous venons de le voir, c’est automatique. Dans le fonctionnement du cerveau, c’est du domaine de l’inconscient. C’est la situation qu’on gère. Et si on y est préparé, alors durant tout ce temps où l’amygdale et le cerveau limbique pédale plus vite que le cerveau qui raisonne, on a mémorisé des programmations de pensées et de raisonnements prêts à l’emploi. Mieux ! En situation, dès qu’on sent que le contexte va toucher un point sensible qui cible nos valeurs, ce qui est important pour soi, et qui va faire monter la pression interne liée à une émotion, ces programmations de pensées et de raisonnements prêts à l’emploi vont nous permettre de mieux gérer la situation, avant que l’émotion n’arrive. La connaissance du fonctionnement de notre cerveau nous aide à gérer les situations par la préparation à leur gestion.

Il reste donc à voir comment fait-on pour préparer et mémoriser ces programmations de pensées et de raisonnements prêts à l’emploi ? La clé se trouve dans la phrase juste au-dessus « dès qu’on sent que le contexte va toucher un point sensible qui cible nos valeurs, ce qui est important pour soi. » Pour sentir qu’on va toucher un point sensible qui cible nos valeurs, il faut connaître ce qui est important pour soi. Autrement dit « se connaître. » C’est ce qu’on fait systématiquement en processus de coaching et qui s’appelle l’introspection.

C’est quoi l’introspection ? C’est s’analyser soi-même en identifiant ses besoins vitaux pour vivre et ce qui contribue à nourrir ces besoins. C’est surtout mettre des mots sur ses émotions passées, présentes et … par voie de conséquence, futures. C’est le travail d’introspection qui contribue à la prise de conscience et à l’élaboration de pensées et de raisonnements centrées sur ses émotions. Lorsqu’on répète ce travail, on se programme à mettre des mots sur ses émotions. Puisque tout ce qui est important pour moi va générer une émotion à coup sûr, une fois ce travail sur soi réalisé, je me suis préparé à mieux accueillir mes émotions. Mieux accueillir ses émotions contribue à mieux gérer les situations émotionnelles. De toutes façons, l’émotion viendra quoi qu’on y fasse, mais, une fois l’émotion exprimée, la mise en mot sera facilitée.

Le travail sur soi, c’est ça la clé. C’est ce que l’on fait en processus de coaching. Alors, si la gestion des situations émotionnelles est importante pour vous, on le commence quand votre processus de coaching ? Contactez-moi.