Après la pause estivale, je reprends les diffusions hebdomadaires de mes articles, avec illustration de faits de cet été.
Rappelez-vous, cette agression verbale violente et antisémite dans le métro d’un homme sur une femme.

La grande majorité des personnes présentes dans la rame de métro n’a pas bougé. Une femme s’est levée, a filmé l’homme et a demandé que cessent ses propos. Sur les réseaux sociaux, j’ai consulté pas mal de posts demandant « en pareille situation qu’auriez-vous fait ? » Eh bien, la question est mal posée ! Vous allez certainement trouver une réponse. Mais elle sera à des années lumières de ce que vous auriez fait réellement ! Pourquoi la question est-elle mal posée ? Et pourquoi votre réponse à cette question ne serait-elle pas la bonne à coup sûr ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Il faut savoir que nous avons entre les deux oreilles le cerveau d’un chasseur-cueilleur que nous étions encore, il y a 12 000 ans à peine. Notre cerveau ne réagit pas de la même façon, sous stress et hors stress. Alors répondre à la question « qu’auriez-vous fait ? » sans stress, amène une réponse à coup sûr différente de ce que vous auriez fait réellement sous stress. Si on connait comment fonctionne notre cerveau, on ne pose pas la question de cette manière.
Alors que si l’on pose la question « que ressens-tu à l’évocation de cette situation ? » Que l’on soit choqué par la situation, voire que ses croyances amènent à trouver l’agression « normale ou justifiable » (oui, oui, ça existe !), vous allez ressentir une émotion monter, soit de colère, soit de peur, soit de tristesse, sans doute moins forte que si vous viviez la situation, mais une émotion quand même. Et sous émotion, il manque la spécificité de Sapiens, à savoir « le raisonnement. » Autrement dit, sous émotion, la réponse de notre cerveau est « archaïque. » Vous allez comprendre pourquoi je dis « archaïque.«
Alors comment fonctionne notre cerveau ? Et finalement, comment se préparer à une pareille situation ?
Les neurosciences nous apprennent la logique de fonctionnement du cerveau humain. Priorité à la survie !

La conception même du cerveau de Sapiens suit l’évolution des êtres vivants. Le cerveau des premiers animaux n’était constitué que d’un cerveau archaïque, le cerveau reptilien, celui des dinosaures et des poules aujourd’hui, qui fonctionne seul, pour le seul instinct de survie. Puis les mammifères se sont vu ajouter un cerveau limbique, le cerveau des émotions avec une mémoire dite émotionnelle, celle qui mémorise. Par exemple, que je ne reviendrai pas à ce point d’eau, puisque j’ai déjà croisé un prédateur, il ne fait pas bon y séjourner. Puis, est venu se greffer un cerveau néocortex, celui qui raisonne de manière analytique. Il faut bien comprendre que ce cerveau néocortex est un sérieux handicap pour le chasseur-cueilleur qu’était Sapiens, il y a 300 000 ans. En présence d’un prédateur, réfléchir serait une perte de temps et le mettrait en danger. Alors le fonctionnement du cerveau de sapiens est adapté à cette chance, d’un cerveau qui raisonne, et, en même temps, à ce handicap en cas de danger.
C’est la raison pour laquelle, l’amygdale du cerveau, un petit appendice du cerveau limbique sur lequel arrivent tous les signaux issus des sens, bloque le fonctionnement du cerveau néocortex et donc le raisonnement en cas de risque imminent pour sa vie. Ce fonctionnement automatique privilégie l’action du cerveau reptilien qui ordonne de fuir et de grimper à l’arbre pour se mettre à l’abri, sans avoir recours au raisonnement et en l’absence de conscience.
Si vous transposez ça à la peur qui vous envahit lorsque la situation dans le métro que j’ai évoquée en début de post se présente, votre cerveau bloque le cerveau néocortex qui raisonne et donne la main au cerveau reptilien, l’archaïque. Après l’état de sidération, vous attendez avec impatience la station suivante, pour sortir de la rame et fuir. Autrement dit, notre cerveau fonctionne automatiquement comme un chasseur-cueilleur que nous étions il y a 12 000 ans à peine. En priorité, il réagit pour l’instinct de survie et les émotions sont prioritaires au raisonnement. Et heureusement, c’est pourquoi nous sommes encore là.
Ci-dessous, une vidéo pour rappeler comment notre cerveau fonctionne sous stress.
Comprenez-vous maintenant pourquoi la question « qu’auriez-vous fait ? » est mal posée ? Et comprenez-vous pourquoi la question « à l’évocation de cette situation, que ressens-tu ? » amène le cerveau à exprimer l’émotion qui vous viendrait spontanément en fonction de votre vécu et de vos croyances. La réponse serait alors plus proche de ce que vous auriez réellement fait.
Le cerveau limbique fonctionnant 10 fois plus vite que le cerveau néocortex, ce fonctionnement nous permet de mieux comprendre pourquoi nos décisions sont orientées non consciemment et automatiquement par nos émotions. Pour réagir efficacement à une situation de stress, il faut faire en sorte de gagner du temps sur le cerveau limbique et particulièrement l’amygdale. Il faut se préparer !

Puisque, à froid, avec raisonnement donc, on considère que la situation est « intolérable » et que « il faudrait réagir » profitons de ne pas être soumis au stress, pour réfléchir. Puisqu’on connait maintenant le fonctionnement de notre cerveau, on sait qu’il fonctionne en mode automatique en situation de stress et que, à froid, sans stress, je peux raisonner, eh bien préparons alors notre cerveau aux situations de stress, mais à froid. Et comme notre cerveau est une machine à apprendre et à s’autoprogrammer, utilisons cette situation pour apprendre à réagir. C’est ce que font tous les professionnels intervenant en situation d’urgence. Ils s’entraînent en s’enrichissant des situations vécues. Mais à froid !
En situation d’urgence pour autrui, le principe rationnel d’actions efficace est le suivant « protéger, alerter, secourir, sans mettre en danger sa propre sécurité. » Je laisse de côté les compétences en matière de self défense qui permettraient d’agir seul et efficacement pour mettre un terme à l’agression. De même, je n’ai pas la prétention d’avoir LA réponse adaptée à la situation, mais je vous propose des pistes de réflexion.
Quand on est préparé à agir en situation d’urgence, on focalise notre cerveau sur ce qu’on s’est programmé à faire, on gagne de vitesse l’émotion du cerveau limbique.
- Observer contexte de l’agression, physique ou verbale, avec ou sans arme, risque imminent et vital pour l’agressé (le verbe PROTÉGER)
- Appeler discretement du 17 ou du 112, même sans parler, pour écoute de la police des propos tenus par l’agresseur, en sachant que les messages qui aboutissent à ces numéros sont enregistrés et géolocalisés (le verbe ALERTER)
- Filmer discrètement la scène, c’est d’ailleurs ce qu’a fait la jeune femme (le verbe ALERTER). À noter qu’elle a eu cet aplomb de filmer ouvertement l’agresseur
- Observer et recenser les personnes physiquement aptes à agir collectivement (le verbe SECOURIR sans mettre en danger sa propre sécurité)
- N’intervenir que si on a l’assurance qu’on ne met pas sa sécurité en danger ET que l’aspect risque vital est imminent pour l’agressé.
vous aurez remarqué, dans les propositions précédentes je n’ai utilisé que des verbes d’actions de manière à focaliser le cerveau à agir plutôt que d’être figé par la peur.
À vos remarques et suggestions, à partir de cette question « que ressens-tu à l’évocation de cette situation ? » plutôt « en pareille situation qu’auriez-vous fait ?« .

PS : Certains diront que le coaching est un métier. Je préfère dire que c’est un art, à savoir, l’art du questionnement, en référence au questionnement Socratique. Suivant la question qu’on se pose, on progresse, on stagne ou on régresse.