Les chrétiens se réjouissent de l’élection du nouveau pape, Léon XIV. Dans ses premières prises de parole, il a proclamé « le manque de foi entraîne souvent des drames. » C’est oublier les drames que la foi chrétienne a entraînés, les croisades et la Saint-Barthélemy, entre autres. C’est aussi oublier les drames infligés à des enfants par des hommes qui se réclament de la foi en Dieu. Il faut néanmoins souligner que la religion chrétienne et particulièrement le pape Léon XIV prônent aujourd’hui la paix. Dans ce contexte, ce lien direct que le pape Léon XIV fait entre le manque de foi et les drames ne colle pas avec la réalité. La foi en un autre Dieu que le Dieu des chrétiens ne justifie-t-elle pas, encore aujourd’hui, la croisade avec des drames perpétrés au titre de la foi et au nom d’un Dieu ? Par exemple le 11 septembre 2001 et lors des attentats islamistes. Et puis, les athées, qui par définition sont des « mécréants » sans foi en un Dieu, ne perpétraient-ils que des drames, par manque de foi ? Autrement dit, n’y aurait-il que la croyance à une foi qui permettrait d’éviter les drames ? Ne pourrait-on pas incarner des valeurs humanistes, sans avoir de foi en un Dieu ?

De manière à vous montrer que la Spirale Dynamique permet d’analyser une prise de parole, un contexte, une situation, je vais m’appuyer sur ce concept de l’évolution de l’Humanité pour analyser ce qui évite les drames, la foi en un dogme ou les valeurs humanistes. C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Avant d’analyser la déclaration du nouveau pape, je vous propose un bref rappel du concept d’évolution de l’Humanité, la Spirale Dynamique qui permet l’accompagnement de son changement.

Clare Graves, Docteur en pyschologie à la source du concept de Spirale Dynamique, a montré que l’Humanité a évolué par niveaux d’existence ou de conscience successifs, par des systèmes de valeurs et des visions du monde, chacun radicalement différents. Chaque niveau d’existence a créé sa propre crise existentielle dans laquelle l’Humanité n’a plus satisfait ses besoins. Pour les satisfaire, des précurseurs, des femmes et/ou des hommes, ont alors posé les bases d’une nouvelle vision du monde. L’Humanité a pu alors se transcender dans un nouveau niveau d’existence, un nouveau système de valeurs, une nouvelle vision du monde qui a créé sa propre crise existentielle. Et ainsi de suite, c’est la logique d’évolution de Sapiens. Pour plus de facilité d’utilisation et après la mort de Clare Graves, Don Beck et Cowan ont caractérisé les niveaux d’existence par des couleurs pour en faire un outil d’accompagnement du changement en éducation des enfants, en management, en politique, en coaching etc. Voilà un résumé très succinct de la Spirale Dynamique. Pour en savoir plus, lire ou relire mes articles ou mon livre sur le sujet.

Avant notre ère, le niveau d’existence ROUGE était caractérisé par un système de valeurs « sans foi ni loi. » La vision du monde était basée sur la loi du plus fort. J’arrive dans un village, je tue tout ce qui bouge, je prends la récolte et le bétail, on se partage le butin et on passe au village suivant. C’est la loi des barbares et des sociétés conquérantes. On comprend assez vite la crise existentielle de l’Humanité qui s’est installée. À force de s’entretuer les uns les autres, la pérennité même de l’Humanité était en péril.

Des précurseurs ont alors émergé pour donner à l’Humanité une autre vision du monde, basée sur des valeurs humanistes. Les prophètes ont posé des commandements d’un Dieu unique, dont le cinquième à lui seul réglait la crise existentielle du ROUGE, à savoir « tu ne tueras point. » C’est ainsi que les religions monothéistes ont émergé. Petit à petit, l’Humanité s’est transcendée dans un nouveau niveau d’existence, BLEU cette fois. La foi en Dieu et la loi de Dieu voulaient résoudre la crise existentielle du sans foi ni loi. Mais comme je le disais en introduction, chaque niveau d’existence crée sa propre crise existentielle. Alors que les religions monothéistes prônaient des valeurs humanistes, en même temps, elles ont instauré la coercition, l’inquisition et les croisades pour la religion catholique, le djihad et la charia pour l’islam. À la fin du XIe siècle, le pape Urbain II a même appelé à la croisade en renonçant, temporairement au nom de Dieu, au cinquième commandement, pour autoriser à tuer son prochain parce que mécréant. L’Humanité a rebasculé dans le ROUGE. – À la différence d’une transcendance, on appelle ça une « immanence » le retour à un niveau d’existence précédent – Après les croisades et les tueries au nom d’un Dieu, l’Histoire de l’Humanité montre que la foi en un Dieu a entraîné des drames. Les faits en attestent, c’est incontestable.

Le niveau BLEU a entraîné une nouvelle crise existentielle, par la perte de liberté et le besoin d’émancipation individuelle. Je la détaille dans mon livre. À partir de 1492, avec Christophe Colomb puis Galilée au siècle suivant, les deux précurseurs du niveau suivant, ORANGE, des lueurs de liberté et de raison sont venues progressivement se substituer à la soumission et au dogme. En allant plein ouest et suivant les Saintes Écritures, Christophe Colomb allait soit trouver un nouveau passage vers les Indes, soit tomber dans le néant puisque la terre était plate. Comme dans les Saintes Écritures le continent américain n’existait pas, cela ne pouvait être que les Indes. Les explorateurs suivants ont bien compris que les Saintes Écritures dictaient « une vérité » et non « la réalité. » Contrairement aux Saintes Écritures qui listaient ce qui était à connaître, l’Humanité a compris que tout était à découvrir. Après l’obscurantisme d’un dogme, la lumière de la connaissance. Galilée ensuite a remis en cause la science d’Aristote et de l’Église. Une hérésie qui aurait pu lui coûter le bûcher, s’il n’avait pas abjuré lors de son procès le 22 juin 1633. Néanmoins, la raison avait définitivement ébranlé le dogme. Progressivement, l’Humanité se transcendera dans le nouveau niveau d’existence ORANGE, jusqu’au siècle des Lumières, avec le débat d’idées inconcevable en BLEU. Les droits de l’Homme et les lois des êtres humains ont remplacé la soumission à la foi en Dieu et aux lois de Dieu. Ont suivi la Révolution scientifique puis industrielle. Comprenez-vous l’émergence du niveau d’existence VERT qui suit qui dénonce les excès de l’ORANGE ? C’est une autre histoire.

Revenons à la citation de Léon XIV « le manque de foi entraîne souvent des drames. » Que sont devenues les valeurs humanistes du BLEU dans le niveau d’existence ORANGE ? Les commandements de Dieu ont été intégrés dans les lois de la République, laïque. Entre autres, tuer quelqu’un ou voler sous la menace d’une arme sont des crimes punis par la loi. C’est un exemple qui montre qu’en se transcendant d’un niveau de conscience au suivant, l’Humanité n’oublie pas les systèmes de valeurs précédents, elle les intègre. Ce qui veut dire qu’un athée dans le niveau de conscience ORANGE a exactement les mêmes valeurs humanistes qu’un être humain qui croit en Dieu dans le niveau d’existence BLEU. La différence provient du type de jugement pour celui qui enfreint les lois. Un jugement expéditif sans procès suivant la justice divine dans le BLEU et un jugement équitable dans l’ORANGE suivant la justice des hommes élus qui régissent les lois. Vous remarquerez qu’un croyant en un Dieu peut très bien adhérer au système de valeurs de l’ORANGE. Les croyants et les non-croyants se retrouvent donc sur des lois humanistes communes. À contrario, un être humain qui ne respecte pas les lois humanistes du BLEU et de l’ORANGE applique la loi du plus fort du ROUGE, « le sans foi ni loi.« 

Par cette analyse, mon intention était de montrer que la foi en un Dieu peut entraîner des drames, l’Histoire depuis 2000 ans le montre. Par ailleurs, proclamer que « le manque de foi entraîne souvent des drames » revient à orienter l’Humanité vers un retour au niveau de conscience BLEU, une immanence. Pour les êtres humains qui ont une vision ROUGE de l’Humanité, ce serait une bonne solution. Ce fut la solution qu’a trouvée l’Humanité pour régler sa crise existentielle. Mais voilà ! Il s’est écoulé 2000 ans depuis cette perspective transcendance. Depuis, l’Humanité a évolué vers l’ORANGE, le VERT, voire le JAUNE. L’évolution de l’Humanité est tournée logiquement vers les niveaux d’existence qui suivent le BLEU, à savoir l’ORANGE, le VERT, le JAUNE, voire le TURQUOISE. Aujourd’hui, les trois religions monothéistes tirent toutes l’Humanité vers le BLEU. Y aurait-il une autre voie ?

Dans mon livre, je prends l’exemple de Gandhi qui pour moi est un précurseur du niveau d’existence TURQUOISE. Voici une de ces citations que j’utilise dans l’argumentation de mon livre « Pour progresser, il ne faut pas répéter l’Histoire, mais en produire une nouvelle. Il faut ajouter à l’héritage que nous ont laissé nos ancêtres. » Revenir au BLEU théiste, c’est revenir aux excès des religions monothéistes, la Saint-Barthélémy et 11 septembre 2001. Revenir au BLEU non-théiste, c’est revenir aux excès du marxisme et du nationalisme qui ont ruiné le XXe siècle. Revenir au BLEU, c’est répéter l’Histoire. Il faut aujourd’hui en créer une nouvelle. La voie d’évolution de l’Humanité que prône Clare Graves, c’est de réaliser un saut majeur de conscience que je traduis par cette définition du niveau JAUNE, à savoir « intégrer en même temps, le meilleur de tous les contraires dans une tension créative. » Autrement dit, aujourd’hui, on doit pouvoir intégrer en même temps les valeurs humanistes du BLEU la Science de l’ORANGE et la préservation de la nature sans les discriminations entre Sapiens du VERT.

Dans ce contexte du XXIe siècle, pourquoi le Pape Léon XIV ne se positionne-t-il pas en rassembleur de l’Humanité dans des valeurs humanistes, soit en intégrateur du meilleur des contraires, croyants et non-croyants ? Pourquoi réduit-il le salut de l’Humanité par la seule croyance en un Dieu ? Avec cette logique, n’entretient-il pas la scission entre les croyants, le Bien, et les non-croyants et donc les mécréants, l’incarnation du Mal ? La Spirale Dynamique montre que l’évolution de l’Humanité va dans le sens d’intégrer le plus grand nombre d’êtres humains dans la diversité de croyances et en même temps dans des valeurs humanistes communes. Autrement dit, le salut de l’Humanité se trouvera dans l’application de valeurs humanistes commune en intégrant le meilleur des contraires. Revenir avant Christophe Colomb et Galilée est dommageable pour l’Humanité.

En résumé, il convient aujourd’hui d’amener les « sans foi ni loi » à adhérer aux lois et aux valeurs humanistes, qu’ils aient la foi ou non en un Dieu. Dans la même perspective, je vous livre une citation de mon livre, « 800 ans après les croisades, il y a toujours plusieurs Dieux uniques dans les têtes de Sapiens ! Et, en même temps, on pourrait très bien vivre en paix avec ça ! » Plutôt que prôner la foi chrétienne pour éviter les drames, qui obligerait à croire en un dogme, unissons les efforts des êtres humains de bonne volonté, sur la base de valeurs humanistes partagées, quelle que soit la diversité de leurs croyances. Pour cela, il faut avoir fait le saut majeur de conscience pour « intégrer, en même temps, le meilleur de tous les contraires dans une tension créative. » Autrement dit, c’est faire preuve de sagesse, comme le révèle l’étymologie latine du mot « Sapiens : Homme intelligent et sage. » Voir page 84 de mon livre.

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