Vengeance, revanche et pouvoir : Trump en action

« La vengeance » est « une réaction comportementale qui vise à punir ceux qui ont porté un préjudice considéré comme non réparé et donc perçu comme une injustice en vue de faire subir un dommage humiliant et par tous les moyens. » Faire mal en quelque sorte. « La revanche a pour objectif de reprendre l’ascendant sur son adversaire en lui prouvant sa force et son pouvoir. » En résumé, en associant la vengeance et la revanche, il est question de punir et d’asservir.

Lorsque l’esprit de vengeance et l’esprit de revanche s’arment du pouvoir et sont la base d’un programme politique, on peut s’attendre au pire.

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Photo générée par l’IA à partir de WordPress, par simple analyse du texte de l’article

Depuis le 20 janvier 2025, le comportement de Donald Trump répond à ces deux lignes d’actions. Dans sa logique, Donald Trump pense avoir subi plusieurs humiliations. Tout d’abord l’échec de sa réélection sur « la base d’une triche » selon lui, puis le coup d’État manqué au Capitole de ses partisans et enfin les condamnations à plusieurs procès, dont celui de détention de documents confidentiels de sûreté des États-Unis d’Amérique qui mettaient en danger le personnel fédéral. Il aurait pu être reconnaissant du traitement de faveur suite à ce que le média LE TEMPS qualifie de « trahison d’ampleur historique. » Il a été condamné certes, mais sans perdre ses droits, notamment de se présenter à la présidence, ce qu’un citoyen américain lambda n’aurait jamais obtenu d’un juge à coup sûr. Au pouvoir depuis son investiture le 20 janvier, ses actions sont-elles un avant-goût ou le pire est-il à venir ? Quels sont les comportements auxquels il faut s’attendre de quelqu’un qui a armé son esprit de vengeance et son esprit de revanche du pouvoir de la plus grande puissance mondiale ? Quelles sont les réponses à donner ? C’est ce que je vous propose de voir aujourd’hui.

Nota : Celles et ceux qui ont lu mon livre « Comprendre la Spirale Dynamique pour mieux l’utiliser » retrouveront plusieurs vocables utilisés, notamment l’impasse du combat permanent des idéologies en « isme » et dans notre cas, le nationalisme.

Comme je le précisais ci-dessus, dans la définition de la vengeance, il y a cette notion induite d’un comportement radical en utilisant tous les moyens pour arriver à ses fins. Autrement dit, le président de la plus grande puissance mondiale qui est animé par la vengeance et la revanche est capable de tout. Depuis un mois, il l’a montré. Mais on n’a peut-être pas encore tout vu. Parce que les mêmes causes provoquent les mêmes conséquences, les mécanismes qu’engendrent la vengeance et la revanche armées par le pouvoir sont en effet prévisibles. L’Histoire se répète systématiquement. Je rappellerai aussi des faits historiques récents pour l’illustrer.

La première cible de sa vengeance, l’administration américaine.

Image Pixabay Barbus

Tout juste installé dans le bureau ovale, Donald Trump a entamé une véritable chasse aux sorcières, ce que le politiquement correct nomme « la refonte de l’administration. » Les responsables sous l’autorité de Donald Trump qui ont refusé de donner accès aux données des instances fédérales ont été limogés sur le champ. En demandant à Elon Musk d’infiltrer les serveurs des instances fédérales, il a pu ainsi identifier puis limoger l’ensemble de ses opposants aux postes clés. Ceux qui ont résisté à sa vengeance ont subi le même sort que les opposants que Donald Trump visait. Plus globalement, l’objectif était de prendre le contrôle de l’État par la force. C’est chose faite. Par les tentatives d’intimidations et la peur, les actions visent à réduire l’action de ses opposants pour la seconde phase du plan de vengeance. Ces premières actions radicales renforcent les clivages au sein de la société américaine. Ses partisans plébiscitent. Ses opposants se raidissent.

L’article du média RollingStone, l’article du DailyMail et l’article de Popular

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Les actions entreprises bipassent totalement les institutions démocratiques et les garde-fous de la constitution. Il existe certes des contre-pouvoirs constitutionnels. Mais qui pour les activer ? Ceux qui pouvaient le faire ont été limogés. Les autres, en sursis, doivent hésiter à le faire de peur de représailles vengeresses. Les médias sont aussi des contre-pouvoirs, mais ils craignent les représailles. Puisque Elon Musk est aux commandes, le rouleau compresseur du réseau social X avec ses robots au service de la propagande d’État fera le reste. La liberté d’expression s’en trouve altérée dans un pays pourtant très attaché à cette valeur ! Après la première phase de nettoyage, la seconde phase qui consiste à réduire au silence ses opposants est, de fait, terminée. Là aussi, ses partisans plébiscitent la reprise en main de l’administration que les élections ont légitimée. Néanmoins, en démocratie, une élection au suffrage universel ne légitime pas les actions qui sont en opposition avec la constitution que le président nouvellement nommé a pourtant juré de respecter, lors de son investiture, la main droite levée. Vous aurez noté que, contrairement à tous ses prédécesseurs, Donald Trump n’a pas juré la main gauche posée sur les deux Bibles qu’il avait apportées pour l’occasion, la Bible de Lincoln et celle que sa mère lui avait offerte. Certes, aucun texte constitutionnel ne l’y oblige. Néanmoins, il l’avait fait lors de sa première investiture. Un signe, diront certains ! La vengeance et la revanche ne sont pas des valeurs chrétiennes qui voudraient qu’on tende l’autre joue. Ses opposants en perte de confiance voient les institutions démocratiques piétinées, l’indépendance de la justice et l’intégrité des contre-pouvoirs voler en éclat comme les traditions chrétiennes volontairement oubliées. Les oppositions frontales se radicalisent.

La seconde cible, le monde, avec un esprit de revanche en imposant sa loi

Suite à l’échec de sa réélection en 2020, l’esprit de revanche de Donald Trump s’est nourri de la rumination durant ces 4 années de privation de pouvoir. Une fois réélu, il fallait tout de suite reprendre l’ascendant sur le monde en le réduisant au silence.

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Sur le plan international, Donald Trump a fixé unilatéralement des droits de douanes de 25% pour punir certains pays qui n’obéiraient pas à ses injonctions, Mexique et Canada par exemple. L’Europe est en sursis, mais ce n’est qu’une question de temps pour des représailles prévisibles. Par vengeance aussi, Donald Trump a rompu des accords internationaux comme l’accord de Paris sur le climat. Donald Trump déstabilise l’équilibre fragile, économique et écologique du monde d’aujourd’hui. Comme s’il n’y avait pas suffisamment de tensions et de conflits internationaux, c’est donner des idées à tous les dictateurs de la planète. En voici des exemples.

Donald Trump a profité de l’état de sidération des États européens. Il a décidé que la guerre entre l’Ukraine et la Russie se règlerait entre Vladimir Poutine et lui. Ce qui arrange bien évidemment le chef du Kremlin. De fait, il réduit au silence l’Ukraine et le reste du monde. C’est ce que j’ai appelé « le grand retour du Monopoly mondial » dans mon article du 25 janvier dernier, avec le retour d’un impérialisme généralisé et le partage du monde qui en découle. L’Ukraine à la Russie, Taïwan à la Chine, Panama, le Canada et le Groenland aux USA etc.

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L’Histoire se répèterait-elle ?

Par le passé récent, l’animation de la vengeance armée par le pouvoir politique n’a fait que générer la soif de vengeance de l’autre camp entraînant une nouvelle guerre. À la fin de la Première Guerre mondiale de 1918, le traité de Versailles est un exemple notable. Il a été signé dans la Galerie des Glaces du château de Versailles, où en 1871 après la défaite de la France, le chancelier Bismarck avait signé la création de l’Empire allemand. Le traité de Versailles était assorti d’une clause de « culpabilité de guerre. » La jubilation du peuple français et l’humiliation du peuple allemand étaient respectivement à leur comble. Pour enfoncer le clou de manière durable, l’esprit de vengeance viscéral et assumé des vainqueurs a infligé aux vaincus des montants de réparations surdimensionnés. Ce qui a provoqué une instabilité économique de l’Allemagne et une inflation record dans les années 1920. Ce qu’on a nommé la Grande Dépression allemande a nourri l’esprit de vengeance du peuple allemand. Le nazisme s’est emparé de l’effet d’aubaine. L’esprit de vengeance a conduit à la Seconde Guerre mondiale encore plus dévastatrice. Avait-on fini avec la vengeance ?

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Après une guerre éclair, l’Allemagne victorieuse a imposé la signature de l’armistice de 1940 à Rotondes dans le même wagon où l’Allemagne humiliée avait signé l’armistice de 1918, encore un esprit caractérisé de vengeance et de revanche. Après le partage de l’Europe entre Hitler et Staline avec le pacte de non-agression entre l’Allemagne nazie et l’URSS communiste, la confrontation ne pouvait qu’éclater. Ensuite, que s’est-il passé à la conférence de Yalta pour finir la Seconde Guerre mondiale ? L’Amérique, le Royaume-Uni et l’URSS, sans la France, se sont partagés l’Allemagne, l’Europe et le monde. Une fois le monde partagé et quelques années plus tard, une autre guerre s’est déclarée, nommée la guerre froide certes, mais qui a enflammé plusieurs régions du monde, Cuba, la Corée, le Vietnam, l’Afghanistan, etc. Je reprends une citation de mon article sur le retour du grand Monopoly mondial, « Quand on a oublié les erreurs du passé et qu’on les réédite, l’avenir est tout tracé.« 

En conclusion, la vengeance d’un camp nourrit la vengeance et la revanche de l’autre camp et ainsi de suite

Les personnalités politiques animées par l’esprit de vengeance alimentent un discours populiste attisant la haine d’un camp contre un autre. Le peuple des partisans légitime ainsi les actions politiques radicales et la revanche pour prendre l’ascendant sur l’autre camp qui ne cherche qu’à se venger à son tour. Donald Trump va se faire des amis puissants, certes, mais ce sera de courte durée, comme le montre l’Histoire. À terme, il se fera plus d’ennemis que d’amis, en interne comme en externe. L’attentat manqué de quelques millimètres du 13 juillet 2024 et la tentative avortée du 15 septembre 2024 sont là pour le rappeler. La réussite de telles tentatives ne ferait qu’alimenter la vengeance. Rappelez-vous de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand perpétré le 28 juin 1914 Sarajevo qui a débouché sur la Première Guerre mondiale un mois et demi plus tard.

La vengeance et la revanche alimentent un processus sans fin. C’est une impasse. L’Histoire nous a appris que le nationalisme impérialiste est un obstacle à la paix.

En Europe et en France, sommes-nous à l’abri de cet engrenage ?

Photo de David Henry sur Pexels.com

Écoutons les discours populistes en France qui incitent à cibler un grand Satan qu’il faudrait punir, les riches qui doivent donner aux pauvres selon le marxisme, les étrangers qui doivent partir selon le nationalisme, réglant ainsi tous nos maux, comme par magie. C’est le même processus. La soif de vengeance et de revanche légitime l’utilisation de méthodes radicales. Dans les autres pays européens aussi monte le discours populiste. Elon Musk ne s’est pas caché de vouloir le promouvoir et l’entretenir, particulièrement aux prochaines élections en Allemagne. Conjointement, la Russie influence ces élections. D’après les services de renseignements, des déstabilisations de la campagne électorale allemande proviennent de la Russie. Ceci montre que le nationalisme, quelle que soit son origine, a besoin d’une expansion planétaire pour prospérer. La logique de tous les « ismes » aurais-je envie de conclure ! Le marxisme et les religions monothéistes ont aussi besoin d’une expansion planétaire pour prospérer.

Quelle réponse à donner ?

Deux types de réponses viennent spontanément. La première consisterait à la riposte musclée, œil pour œil, dent pour dent. Non seulement Donald Trump n’attend que cela pour renchérir. Et même si nos actions étaient victorieuses, elles n’alimenteraient que le cycle infernal de la vengeance. La seconde consisterait à jouer l’apaisement, comme l’a prôné le premier ministre anglais Chamberlain face à Hitler. Dans ce domaine, la naïveté est un acte de faiblesse qui se paye avec du sang, du labeur, des larmes et de la sueur. Comme au judo, quand l’adversaire est manifestement plus costaud, il faut se servir de sa force pour le déstabiliser. Emmanuel Macron disait dans une allocution sur les réseaux sociaux le 20 février qu’il fallait « faire du Trump » et « crééer de l’incertitude » comme Trump le fait chez les autres. Il conviendrait d’aller chercher chez Trump ses contradictions, elles sont nombreuses, pour faire levier et le déstabiliser. Des exemples :

  • Donald Trump est pour le retour des énergies fossiles. C’est en contradiction avec les voitures électriques de la marque Tesla d’Elon Musk.
  • J’en parlais plus haut, dans un pays très attaché à la liberté d’expression, il est curieux de vouloir réduire au silence ses adversaires politiques. Récemment, le vice-président Vance semblait donner des leçons à l’Europe dans ce domaine, avec l’approbation de Trump.
  • Donald Trump a fait récemment licencier une cinquantaine d’experts de la sûreté nucléaire de la NNSA que l’administration souhaite aujourd’hui réembaucher parce que, sans eux, il n’est plus possible de garantir la maintenance de l’arsenal des ogives nucléaires. Voir l’article de l’Express.
  • En 2021, 13 Russes, dont un proche de Poutine, ont été inculpés pour ingérence dans la campagne électorale de 2020 au profit de Trump, rapporté dans un article de Les Échos. Et aujourd’hui, il satisfait toutes les demandes de Vladimir Poutine vis-à-vis de l’Ukraine, sans concession. Y aurait-il un deal entre eux ?
  • En autorisant la Russie à faire main basse sur l’Ukraine et en faisant de même sur ses terres rares, Panama et le Groenland, Trump autorise de fait la Chine à récupérer Taïwan, le Hamas, les territoires du fleuve à la mer et la Corée du Nord, la Corée du Sud. Il n’y a plus de limite.

J’espère qu’il n’est pas trop tard pour que l’Europe se réveille. Mais c’est une opportunité. Les États européens qui pensaient que les États-Unis assuraient la protection militaire de l’Europe doivent se rendre à l’évidence. L’Europe doit assurer sa propre protection face à la Russie. L’Europe doit aussi assurer sa protection face aux États-Unis qui souhaitent maintenant annexer le Groenland, un territoire du Danemark. Il serait bon de passer d’une Europe bureaucratique qui pond des taxes comme elle fait pousser des normes, à une Europe qui défend ses intérêts de manière unie, avec poids donc, et qui fait la promotion d’un autre modèle au monde. Les peuples européens doivent pousser les responsables européens à s’unir au-delà des querelles fratricides et promouvoir d’autres types de relations internationales pour un avenir moins sombre que le renouvellement de l’Histoire ne nous le laisse entrevoir.

Auparavant, la défense de l’Europe était assurée par l’OTAN. Face à cette redistribution des cartes, il faudra se poser la question de savoir si le modèle de gouvernance de l’Europe des nations est toujours adapté aux tensions du monde d’aujourd’hui. Particulièrement pour pallier l’inexistence de l’ONU, l’Organisation des Nations (qui se voulaient) Unies, pour, je cite, « Paix, dignité et égalité sur une planète saine. » Au regard des actions fulgurantes qui s’enchaînent depuis un mois à peine et qui mettent en tension l’ensemble de la planète, l’Europe n’a pas le temps de se restructurer. C’est le point faible du modèle démocratique face au regain du nationalisme planétaire. Les démocraties l’ont montré de 1933 à 1939. Il reste à espérer que les 27 chefs d’État des pays de l’Union européenne, auxquels il faudra associer le Royaume-Uni avec son poids de dissuasion nucléaire, arrivent à parler d’une seule voix, celle de la raison, pour proposer une alternative au retour des empires impérialistes et donc expansionnistes.

Finalement, Elon Musk a peut-être raison, il est temps d’aller sur Mars…

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2 commentaires sur “Vengeance, revanche et pouvoir : Trump en action

  1. La raison dans l’UE elle est oubliée. La censure sévit violemment en Europe. Moins aux USA. Le WEF n’a aucune légitimité pour vouloir imposer ses vues. Je regrette de ne pouvoir mettre ici les copies d’écran montrant cette censure pour des choses sans aucune polémique… Notamment en refus d’information sur le vaccin anti-covid Valneva fin 2020. Évidemment vous n’avez pas vu la dimension médicale de la situation. Dommage. Nous avons combattu « ensemble » dès l’annonce de la demande fermeture de Fessenheim… Nous sommes dans une situation inédite qui n’est jamais arrivée de toute l’histoire de l’humanité, donc c’est dur à tout assembler il faut être touche à tout dans de nombreux domaines. Ce n’est pas un hasard si des démocrates d’importance, anciens opposants de Trump, l’ont rallié: ils ont compris la situation. Après dire que ce sont des gentils, c’est une autre histoire, mais des dirigeants « pied-tendre » ça n’existe pas, la politique attire les ambitieux, les pervers narcissiques, les mégalo….

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